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à Mangalia, où la prévoyance du général Canrobert avait fait venir des ressources de toute nature et surtout des vivres frais, du vin, de l’eau-de-vie, du café et du sucre. Elle comptait par centaines les nouveaux décès; deux mille malades furent embarqués pour Varna. Le séjour marécageux de Mangalia était rendu plus dangereux encore par la décomposition putride des nombreux cadavres que les bachi-bozouks avaient laissés partout sans sépulture. Il aurait fallu fuir au plus vite ce lieu pestiféré; mais les soins à donner aux malades, les vides que le choléra avait faits dans les rangs des officiers de santé, victimes d’un dévouement à toute épreuve, la nécessité d’organiser un service de soldats infirmiers fournis par les régimens, le temps pris par l’embarquement des malades et le ravitaillement de la division, ne permirent pas de la diriger sur Varna avant le 7 août. Le fléau sévit encore jusqu’à ce moment; mais le 9, dès que la colonne arriva sur les hauts plateaux de Kavarna, chargés d’un air oxigéné et purifié par les forêts séculaires des Balkans, une amélioration subite se fit sentir dans l’état sanitaire, l’épidémie avait beaucoup perdu de son intensité. Quelques jours plus tard, la division rentrait dans son camp de Franka, où l’on dressait de grandes ambulances sous tentes dans les conditions les plus hygiéniques. Il lui restait la moitié à peu près de son effectif, l’autre moitié était dans les hôpitaux ou sous terre. Les bachi-bozouks avaient fait des pertes plus cruelles encore; M. Cazalas estime qu’il en est mort près de la moitié.

La 2e division s’était engagée dans la Dobrutcha à la suite de la 1re. Arrivée à Mangalia, elle se trouva tout à coup aux prises avec le choléra et frappée sans merci; mais le général Bosquet, dans le cours de ses opérations, tint la main avec une fermeté toute particulière à ce que les mesures hygiéniques conseillées par les médecins fussent exécutées rigoureusement. Jamais les soldats en marche ne négligèrent de faire la soupe et le café, si longue que fut la course de la journée et si rare que fût l’eau. On la tirait le plus souvent de puits qui étaient peu nombreux et d’une profondeur extraordinaire. 300 arabas, moyens de transport dont la 2e division disposait, avaient été répartis entre les différens corps, en sorte que non-seulement chacun avait avec soi ses vivres, mais pouvait encore veiller sur les paysans et sur les bœufs, toujours prêts à déserter. Cela n’empêcha pas quelques-uns des premiers de prendre la fuite, mais du moins les voitures et les bêtes de trait restaient, et on en était quitte pour donner l’aiguillon à quelques soldats qui se faisaient bouviers. A mesure que ces chariots étaient dégarnis de vivres par la consommation journalière, on y mettait des malades, et ainsi on augmentait dans une proportion énorme les moyens de trans-