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autre arc qui date de son règne. C’est un arc nain dont les sculptures sont très médiocres, et que les changeurs et les marchands de bestiaux qui fréquentaient le marché aux bœufs (forum boarium) érigèrent en l’honneur de Sévère et de sa famille : pauvre petite platitude pauvrement exécutée. Par un de ses caprices ironiques, le temps, qui, avec le secours des hommes, a détruit tant d’admirables monumens, a épargné celui-là; ce lourd et disgracieux colifichet de la décadence est à deux pas de la voûte antique et indestructible de l’égout des Tarquins.

Un arc plus considérable et voisin du premier porte le nom de Janus quadrifrons parce qu’il a quatre ouvertures, et par là quatre façades. C’est un de ces janus près desquels se tenaient les changeurs et les banquiers, qui servaient, d’abri aux marchands et de bourse aux Romains. Ceux du grand Forum ont disparu, celui du Marché aux bœufs subsiste. Il n’offre d’autre intérêt que de nous fournir un spécimen du genre de construction auquel il appartient. L’architecture en est pesante. Canina y voyait un des innombrables janus dont Domitien avait rempli la ville; mais on construisait mieux sous Domitien. Il est plus convenable de le rapporter au temps de Septime-Sévère, qui avait aussi élevé plusieurs janus. Peut-être est-ce par reconnaissance pour la munificence impériale, qui leur aurait donné le plus grand des deux arcs, que les habitués du Marché aux bœufs ont élevé le petit.

Mais passons à l’arc triomphal de Septime-Sévère, l’un des restes les mieux conservés de la Rome antique, l’un de ses plus imposans débris.

Septime-Sévère, empereur vraiment guerrier, était digne d’un arc de triomphe, et le sort a été juste en laissant debout cet hommage auquel il avait droit. L’arc de Septime-Sévère est intact; il se dresse au pied du Capitole, en face du Forum. En le plaçant dans ce lieu, Sévère montrait ce jour-là son indifférence pour les souvenirs de Rome libre, car, dominée par l’arc impérial, l’ancienne tribune aux harangues, devenue inutile, était comme écrasée sous sa masse et perdue dans son ombre. L’arc de Septime-Sévère masquait aussi le temple de la Concorde, dont l’origine remontait à Camille, et que Sévère lui-même avait réparé. Dresser un arc de triomphe devant l’un des plus beaux temples de Rome, c’était déjà de la barbarie. Quand on s’étonne de l’accumulation des monumens au pied du Capitole, on oublie que cette accumulation fut successive. Sous la république, il n’y avait là que deux temples, celui de la Concorde et celui de Saturne; même quand Domitien eut ajouté le temple de son père Vespasien, l’encombrement n’existait pas encore. Septime-Sévère vint planter gauchement son arc de triomphe devant le