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textes anciens, est devenu plus tard le barde, le panégyriste, dont la place était marquée dans toutes les fêtes.

L’écuyer du vieux roi Dhritarâchtra fit donc connaître les intentions pacifiques de son maître. Cependant les Pàndavas insistaient pour qu’on leur accordât la libre possession d’un certain nombre de villes, et les fils du roi aveugle refusaient absolument d’accorder à ceux-ci tout ce qui pouvait les rendre indépendans à un degré quelconque. Ils comprenaient que les Pàndavas étaient devenus puissans par leurs alliances, et supposaient qu’un jour ou l’autre ils tenteraient d’usurper le royaume d’Hastinâpoura. Les négociations furent rompues, et on a le droit de douter qu’elles fussent sincères, car de part et d’autre on appelait autour de soi et l’on faisait marcher de grandes armées.

Ce qu’on appelait alors grande armée, ou armée complète (akchaohini), se composait de cent neuf mille trois cent cinquante fantassins, soixante-cinq mille six cent dix chevaux, vingt-huit mille huit cent soixante-dix chars, et vingt et un mille huit cent soixante-dix éléphans. Le roi commandait ordinairement en personne : les bannières flottaient au premier rang ; en tête marchaient les fantassins armés du bouclier et du javelot, puis les archers et les soldats armés de massues et d’épieux ferrés. Derrière l’infanterie se massaient les cavaliers, puis les chars avec leurs combattans, et les éléphans armés en guerre. Un second corps de fantassins fermait la marche, suivi des porteurs d’eau, des joueurs d’instrumens de musique et des chariots. Dans le combat, l’armée se déployait, suivant la nature des lieux, de diverses manières, affectant la forme d’un oiseau, d’une fleur, d’un croissant, d’un grand poisson, d’un bâton, etc. Avant d’en venir aux mains, les guerriers montés sur les chars s’injuriaient et se provoquaient en combat singulier. Tantôt les chars s’attaquaient de front, tantôt les deux champions cherchaient à tuer les chevaux de l’adversaire à coups de flèches. Le comble de l’adresse, c’était de couper avec un trait bien acéré l’arc de son ennemi. Le plus souvent les guerriers de haute naissance, qui combattaient sur des chars, ne s’abordaient ainsi qu’après que l’armée rangée autour d’eux avait été décimée ou mise en désordre, et ces luttes terribles, acharnées, décidaient en réalité de la victoire. Les chars étaient parfois d’une grandeur démesurée et portés sur un grand nombre de roues. L’or, l’argent, le fer, entraient dans la composition de ces immenses véhicules, au-dessus desquels s’élevait une espèce de clocheton ou de dais pointu, orné de queues d’yack, de banderoles et même de clochettes. Sur les bannières, on représentait le plus souvent l’image des animaux symboliques, le milan rouge (ou garouda, monture favorite de Vichnou), le taureau cher à