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ce qu’était Canton pour le reste des populations européennes. Ils y joignirent seulement un privilège, réservé à eux seuls, et dont ils sont aujourd’hui encore en possession, celui d’entretenir à Péking lui collège russe, et d’être ainsi à portée d’obtenir certains renseignemens, de faire parvenir certains avis lorsque les intérêts de leur commerce ou de leur politique le réclament.

Depuis l’époque dont nous parlons, les rapports entre les Russes et les Chinois sont restés dans le même état : les marchandises chinoises, et surtout le thé, dont les Russes font une si grande consommation, viennent à Kiatka par des caravanes qui font très péniblement la traversée du désert mongol. Là elles sont échangées contre les produits des manufactures russes, sans que l’argent ou l’opium aient la moindre part à ce trafic, et le tsar ayant concédé le monopole du thé dans son empire à une compagnie, les grands bénéfices que procure cette vente permettent, malgré les frais énormes des transports, de livrer à bas prix les marchandises russes. Ces marchandises, les draps surtout, se placent avantageusement en Chine, et vont quelquefois jusqu’au littoral faire concurrence aux produits apportés par la navigation européenne.

Mais pendant que le commerce russe suivait ainsi tous les ans à époque fixe la route de Kiatka, le gouvernement des tsars n’était pas inactif du côté de l’Amoor. La fondation de ses établissemens au Kamtchatka, aux îles Aléutiennes, dans l’Amérique du Nord, l’étendue chaque jour croissante du commerce des fourrures, tant d’autres relations qu’il lui importait de nouer dans ces parages, lui faisaient regretter vivement de n’avoir pas sur l’Océan-Pacifique un port qui fût en communication facile avec la Sibérie méridionale. De la Russie proprement dite jusqu’à Irkoutsk, cette capitale des provinces sibériennes que les prisonniers de Pultava ont élevée dans une situation admirable sur les bords du Baïkal, il existe une grande voie fluviale, presque non interrompue, qui répand l’activité et la vie sur son parcours. De là vers l’est, on est obligé de suivre la Lena jusqu’à Yakoutsk, et à partir de ce point toutes les communications avec le Pacifique, avec Aian, Okholtsk, Petropolovsky, se font lentement et péniblement à des de chevaux.

Si au contraire on était maître de l’Amoor, dont les affluens remontent jusqu’aux abords du lac Baïkal, et dont la navigation est bien moins longtemps fermée par les glaces que celle de la Lena, on descendrait le fleuve jusqu’à son embouchure, qui forme un port magnifique. De plus, l’or, l’argent, le plomb, le fer, pour lesquels les mines russes de Nertshinsk, sur le Haut-Amoor, sont si renommées, trouveraient un débouché facile et sûr. Les bords du fleuve fourniraient du bois, des grains et tous les produits d’un pays fertile, sous une latitude tempérée. Maître de son cours et de ses af-