Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/473

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’arrangement qui lui était proposé comme complet et irrévocable. Ces raisons seraient plus sérieuses et plus fondées s’il s’agissait d’un acte définitif, accepté par toutes les parties, et auquel il ne manquerait plus que la dernière sanction : nul n’aurait pu mettre en doute alors la compétence de l’assemblée fédérale ; mais les autorités helvétiques n’ont point remarqué qu’il n’y avait ici qu’un projet, et que ce projet n’appartenait ni à la Suisse ni à la Prusse, qu’il appartenait aux puissances médiatrices tant qu’il n’avait pas été transformé en une transaction définitive. Elles ont oublié que divulguer avant le temps les secrets de la diplomatie, c’était quelquefois, sinon compromettre absolument, du moins embarrasser ou suspendre le succès d’une négociation. Si la Suisse a ses radicaux disposés à repousser toute concession, la Prusse a aussi ses royalistes qui ne demanderaient pas mieux que de voir échouer l’œuvre de la conférence, et qui sont toujours prêts à saisir les occasions d’éveiller les susceptibilités d’un souverain dont l’esprit est accessible aux impressions les plus vives. Il n’est point impossible que le roi Frédéric-Guillaume ne se soit un peu ému de cette divulgation soudaine et imprévue. Quoi qu’il en soit, en admettant que la publication autorisée par le conseil fédéral ait été un acte peu correct en diplomatie, un appel trop direct à l’opinion, la situation n’a point changé au fond : les intérêts de la Prusse et de la Suisse restent les mêmes ; l’acte de médiation conserve sa valeur, il a toute l’autorité que lui donnent les conseils des quatre principales puissances de l’Europe. Voilà pourquoi, après tout, cette question de Neuchâtel, un moment mise à nu et contrariée par un procédé irrégulier, ne marchera pas moins à une solution pacifique. La Suisse a mis trop de hâte à publier les résultats de cette négociation, cela se peut ; la Prusse l’absoudrait aujourd’hui en disputant une adhésion dont la lenteur même serait une complication de plus.

La diplomatie a de bien autres difficultés à vaincre et des intérêts bien autrement complexes ou divergens à concilier sur un autre terrain, dans les principautés du Danube, où s’agitent aujourd’hui toutes les influences au milieu des émotions ardentes d’une crise électorale. On est ici en présence de faits assez distincts et assez curieux : les populations s’agitent pour arriver à faire entendre leurs véritables vœux ; la plupart des puissances de l’Europe réclament et attendent une libre et fidèle expression de ces vœux. L’Autriche et la Turquie seules ne s’inquiètent nullement de la sincérité de ces manifestations ; elles semblent au contraire travailler de tous leurs efforts à comprimer ou à dénaturer l’essor de l’opinion dans les provinces du Danube. C’est chez les agens autrichiens que les autorités moldaves vont prendre leurs mots d’ordre pour soutenir la lutte contre les partisans de l’union qui ont la prétention étrange de se mêler aux élections ; c’est pour obéir aux injonctions venues de Constantinople et pour se ménager les faveurs du cabinet ottoman que ces autorités se mettent au-dessus de toutes les lois, même des lois qui sont leur œuvre. La Turquie, après s’être vue obligée de rappeler ses troupes des provinces danubiennes, a fait récemment une dernière tentative auprès des cours de l’Europe pour occuper de nouveau les principautés, et présider ainsi à la libre manifestation du vœu national ; elle invoquait justement l’agitation causée par le mouvement électoral qui s’accomplit. La démarche diplomatique de la Turquie a pu être favorablement