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lieu des navires qui pourraient apporter sur ces rivages le mouvement et la vie, l’étroite et longue pirogue de l’indigène est le seul indice de la présence de l’homme. Pourtant le pays est beau et admirablement fertile; toutes les richesses des tropiques y sont accumulées à profusion; bien plus, à chaque instant, sur les côtes, on rencontre de magnifiques rades, d’excellens mouillages, de beaux et bons ports. Pourquoi cet abandon? L’or et l’argent occupaient exclusivement la pensée des conquérans, le travail des mines devint la seule colonisation, et les provinces relativement pauvres en métaux précieux, comme celle de Veraguas, sont restées jusqu’à ce jour semblables à ce château des contes de fées, où la vie était suspendue, où tout attendait l’heure du réveil.

Une compagnie américaine étudie un projet de chemin traversant la province de Veraguas et reliant les deux mers. Ce serait une simple route carrossable, partant, sur l’Atlantique, du beau port d’Admiral’s-Bay, aujourd’hui désert, passant par la ville principale du pays, Chiriqui, et débouchant sur le Pacifique au port sûr et commode de David. La réunion de ces deux têtes de ligne serait un avantage précieux. Ce point est, après Panama, celui où l’isthme est le plus étroit, et de vastes plaines rendraient, sur la plus grande portion du parcours, les frais d’exécution à peu près insignifians. Cette position ne pourrait cependant prétendre qu’à une importance secondaire, sans la découverte d’un vaste bassin houiller[1] qui semble y traverser l’isthme de part en part, et dont les traces, visibles aux deux côtes, ont été constatées par M. Wheelwright auprès de la ville de Chiriqui. Des dépôts de charbon, placés d’une façon aussi providentielle, devront amener un mouvement considérable dans cette portion de la province de Veraguas.

Cette province a, du côté de la mer, un aspect particulier. De nombreuses îles indiquent par leurs groupes les sommets principaux d’une chaîne de montagnes sous-marine parallèle à celle de la côte. C’est d’abord la magnifique île Coïba, de quatre-vingt-dix milles carrés environ; à l’autre extrémité, les Paridas; au milieu, les trois groupes des Ladrones, des Contreras et des Secas. Une tradition répandue dans le pays veut que, dans l’une de ces dernières îles, des trésors aient été enfouis par les Indiens à l’époque de la conquête; des fouilles y ont fait découvrir, je crois, sinon des trésors, du moins des débris d’une curieuse antiquité. La côte même est très pittoresquement découpée; tantôt, comme à Pueblo-Nuevo ou à Chiriqui,

  1. J’emprunte la note suivante à un rapport de M. Lagarde, chirurgien de la marine : « Sur l’île Muerto, à l’entrée de la rivière de Chiriqui, on trouve un charbon de terre de bonne qualité, dont l’analyse, faite avec soin par le professeur Rogers de Pensylvanie, a donné pour résultat : parties volatiles et bitumineuses, 36.27; charbon solide, 58.48; cendres, 5.25. »