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même ou qu’il fasse rendre visite à ses électeurs, afin de leur demander de lui envoyer leurs voix. Quand le jour de l’élection approche, il est d’usage qu’il aille leur offrir ses devoirs suivant l’expression consacrée, et porte ses remerciemens à ceux qui se sont déjà prononcés en sa faveur; le dernier des citoyens, s’il est électeur, peut ainsi recevoir la visite d’un grand seigneur ou d’un riche bourgeois qui vient solliciter son suffrage et s’exposer à ses refus. Dans les comtés et dans les villes où le corps électoral est trop nombreux pour que le candidat puisse suffire aux exigences de cette tournée, ce sont ses agens payés ou volontaires qui le remplacent; ils vont porter la parole en son nom et remettre au moins sa carte : si l’on suit les candidats ou leurs amis de maison en maison, on peut entendre se succéder les réponses de ceux qui leur disent oui, ou de ceux qui leur disent non, et les voir échanger avec les premiers un cordial serrement de main, avec les autres un froid salut. La négligence dans toutes ces démarches peut faire échouer une nomination, qui n’est quelquefois emportée qu’à une seule voix de majorité, et quand la lutte est engagée entre les personnes plutôt qu’entre les opinions, il n’est pas rare qu’un électeur se refuse à donner sa voix à celui qui lui a manqué de politesse. Aussi les candidats ont-ils soin ordinairement, le jour de l’élection, de prier leurs commettans d’accepter leurs excuses pour tous leurs oublis involontaires : l’un se rejette sur le défaut de temps, l’autre sur l’inexpérience d’un nouveau venu; celui-ci craint que ses cartes n’aient pas été régulièrement distribuées, et explique comment quelques-unes ont pu être égarées en chemin. Les élections sont par là un moyen puissant de rapprochement entre les différentes classes et pour ainsi dire un pont jeté entre elles; c’est comme une chaîne d’égards qu’elles établissent de haut en bas, et elles imposent aux candidats des ménagemens de toute sorte auxquels doit se plier un patron librement choisi envers tous ceux qu’il veut gagner ou garder comme cliens.

Les discours et les visites, la propagande publique et la propagande privée, tel est donc le double travail qui demande aux candidats tout leur temps et toute leur peine; mais ils ne pourraient pas assurément le mener à bonne fin sans l’active intervention de leurs comités respectifs. En effet, ils y trouvent l’appui et le concours des principaux citoyens intéressés par amitié ou par opinion au succès de l’un des compétiteurs, et prêts à prendre sur eux seuls tout le poids de la lutte, si par exception le candidat absent ou malade ne peut s’aider lui-même. Le lieu de réunion de chaque comité est rendu public, et il devient aussitôt le quartier-général où chacun peut venir donner les nouvelles et chercher les ordres. Ce sont les comités qui dirigent la tournée électorale des candidats,