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oublieux des bienfaits? N’est-ce pas l’empereur Nicolas qui a le plus contribué à faire le duc de Glucksbourg héritier du Danemark ? Demandez au prince de Hesse, qui, partant pour Varsovie, où le mandait le tsar, montant en voiture et disant adieu à quelques dévoués confidens, déclarait encore qu’il n’abandonnerait jamais ses droits à la couronne danoise, et qui revint cependant de la conférence impériale prêt à signer toutes les renonciations demandées. Ne se rappelle-t-on plus la toute-puissance qu’exerçait, il y a quelques années, en Europe l’empereur de Russie? L’histoire anecdotique de cette époque en offrirait de curieuses preuves, tout comme l’histoire générale et retentissante de la France et de l’Europe pendant les années qui suivirent montrerait cette puissance et l’ascendant de la Russie ramenés à leur juste mesure. — Double danger, de la part de la Russie et de l’Allemagne, pour l’indépendance future et présente même du Danemark, pour sa nationalité au dedans, pour sa liberté d’action au dehors, c’est tout le résultat du traité de Londres, et si la diplomatie a cru assurer l’unité et l’intégrité de la monarchie danoise, il y a bien apparence qu’elle s’est trompée; elle a rendu inévitables sa dissolution, son démembrement. Pour peu qu’on néglige d’y apporter un prompt remède, il faudra rayer le Danemark de la carte d’Europe.

Voilà ce que disaient, voilà ce que disent encore aujourd’hui ceux des citoyens danois qui redoutent pour l’avenir de leurs institutions comme pour leur indépendance et leur nationalité même l’ascendant de la Russie et l’influence de l’Allemagne. Ils auraient souhaité avant tout que la constitution libérale du 5 juin 1849 fût étendue, comme elle devait l’être en effet, au duché de Slesvig, afin que l’ancienne monarchie danoise restât unie comme par le passé. Quant au Holstein et au Lauenbourg, ils ne demandaient pas que l’antique union personnelle fût changée en union réelle : leur défiance de l’Allemagne allait jusqu’à leur faire admettre, s’il le fallait, que les duchés allemands fussent complètement détachés du Danemark et intégralement rendus à la confédération germanique. Pour eux, le Danemark allait jusqu’à l’Eyder, et non pas jusqu’à l’Elbe. Ils formaient et forment encore aujourd’hui le parti eydériste, le parti constitutionnel ou national. Nous ne nous trompons pas en affirmant que ce parti comptait dans ses rangs, au moment où la solution diplomatique fut imposée au Danemark, bon nombre des Danois les plus éclairés, les plus dévoués. Ils durent se résigner à subir ce qu’on appelait la nécessité européenne. On leur disait : « Le Helstat agrandit nos frontières et augmente nos richesses. Pourquoi renoncer au Holstein, à ses bons pâturages et à ses bestiaux? Nous finirons bien par mater l’esprit de révolte ou d’indépendance qui agite les duchés al-