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tout éloge. Ce qu’il a fait, bien peu d’hommes auraient pu le faire. Tous ceux qui ont étudié d’un œil attentif les luttes soutenues par le Béarnais de 1589 à 1594 rendront pleine justice à son énergie en même temps qu’à la souplesse de son caractère. Intrépide en face du danger, il savait charmer, convertir ses adversaires devenus prisonniers. Or, pour un roi qui doit conquérir son royaume, ce n’est pas là un médiocre avantage. Toutes les fois qu’il trouvait l’occasion de ramener ou d’amener à son parti un homme nourri d’autres convictions, il n’omettait rien pour atteindre son but. Naïf dans son commerce particulier, naïf jusqu’à l’abandon, il défiait les plus habiles lorsqu’il s’agissait de rallier à son drapeau des convictions chancelantes. C’est ce qui lui donne dans l’histoire une physionomie à part. il y a cela de singulier dans le premier Bourbon qui ait régné sur la France, qu’il paraissait libre, imprudent dans ses manières, dans ses propos, jusqu’à compromettre la dignité de la couronne, et que cependant il n’a jamais été bon et familier sans profit. C’est pour les souverains une leçon sur laquelle je n’ai pas besoin d’insister. Henri IV, avec le ton de sa parole, avec la simplicité de son langage, a autant fait pour lui-même et pour la France qu’avec ses batailles gagnées. La victoire d’Arqués lui a conquis moins de terrain que son aménité, la souplesse de son langage et la grâce de son accueil. Ce n’est pas sans raison que le peuple bénit sa mémoire

L’historien ne tient pas à paraître nouveau, il tient à demeurer vrai. Pourvu que la vérité se propage et fasse son chemin, il est satisfait. Il n’essaie pas de présenter sous un aspect inattendu les combats de Henri IV contre Mayenne. Il se borne à enregistrer les défaites et les victoires, et quand il voit le Béarnais triompher, il mesure pied à pied le terrain conquis par le vainqueur. Cette méthode pourra sembler singulière aux lecteurs qui ont vécu dans le commerce des historiens modernes. Habitués aux coups de théâtre, et, comme on l’a dit récemment, toujours prêts à contempler l’inattendu, ils pourront trouver que M. Poirson marche terre à terre et ne sort pas assez souvent des routes battues. Malgré mon amour pour la nouveauté, je ne saurais donner tort à M. Poirson. J’aime mieux, qu’on me le pardonne, une vérité consacrée, fût-elle même vieille de vingt années, qu’un paradoxe éclatant paré de toutes les grâces du langage. M. Poirson, en dessinant la figure de Henri IV, a consulté Tallemant des Beaux moins souvent que Du Fay, petit-fils de L’Hôpital. Qui oserait s’en plaindre? Au lieu d’anecdotes plaisantes ou scandaleuses, nous avons des traits qui appartiennent à l’histoire. Nous pouvons trouver que Du Fay apporte un peu trop de pompe dans l’expression de son sentiment, mais nous sommes du moins forcés de reconnaître qu’il y a dans ses discours un accent de sincérité.