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la succession royale était ainsi devenue un prétexte à l’insurrection, la révolution de février avait éclaté. Le roi Frédéric VII, fidèle aux derniers conseils de son père, Christian VIII, avait promis dès le 28 janvier 1848, quatre jours après son avènement, des institutions, libérales; il avait tenu sa promesse après la révolution, avait réuni une constituante, et le 5 juin 1849 le Danemark, délivré de l’absolutisme, avait pris sa place parmi les états constitutionnels dans le temps même où les institutions qu’il adoptait éprouvaient chez nous un subit revers. Ce progrès d’une nation intelligente vers la liberté, grâce à un noble accord entre la royauté et le peuple, ne faisait pas le compte de l’aristocratie des duchés. La crainte de voir disparaître des privilèges conservés du moyen âge jusque dans notre temps, la crainte tout au moins d’être réduits à abaisser leurs prétentions surannées devant les intérêts nouveaux de tout un peuple poussa les chefs de l’agitation slesvig-holsteinoise à chercher un asile et une protection dans la révolte même. Ils s’intitulèrent les gardiens des anciennes institutions, et ne trouvèrent que trop de sympathies dans les cabinets voisins, qui redoutaient la contagion d’une démocratie, quelque modérée qu’elle pût être. La Prusse en particulier ne se contenta pas de prêter aux insurgés son appui moral; elle leur envoya des troupes, sous le prétexte que le Holstein, état faisant partie de la confédération germanique, était menacé dans son indépendance, et elle se laissa entraîner à l’espérance de posséder un jour ces beaux ports du Slesvig et du Holstein, qui depuis longtemps excitaient sa convoitise. Les Allemands envahirent le Slesvig après le Holstein, et le Danemark eut à regagner par les armes son propre territoire. La guerre dura trois ans, de 1848 à 1851. Avec quelle énergie, avec quel succès inattendu ce petit peuple revendiqua ses droits, les noms de ses victoires, les noms d’Idstedt et de Fredericia l’attestent. Malheureusement les armes ne suffisaient pas à trancher un nœud qui allait se compliquant chaque jour. A la question d’intérêt territorial, telle que l’avaient posée l’incertitude de la succession royale et l’invasion étrangère, se trouvait étroitement unie la question constitutionnelle; le Slesvig étant occupé par l’ennemi, la constitution de 1849 n’avait pas été étendue à ce duché; il s’agissait de savoir si les négociations n’enlèveraient pas aux Danois ce qu’ils avaient reconquis sur le champ de bataille, au prix de leur sang, et si la réaction générale qui déjà s’était manifestée en Europe n’arrêterait pas l’essor de leurs nouvelles institutions.

C’est précisément ce qui arriva. Toutes les grandes puissances durent prendre part aux conférences qui s’ouvrirent en 1851 en vue de régler les questions que la guerre interrompue laissait pendantes, et qui concernaient l’équilibre général. L’Allemagne était