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nombre d’abonnés. Il existe aujourd’hui aux États-Unis 120 journaux de ce genre, et on ne peut évaluer à moins de 500,000 exemplaires leur tirage de chaque semaine.

Nous avons à peine besoin de dire qu’on publie aux États-Unis, comme en Angleterre, un très grand nombre de journaux spéciaux. Toute doctrine inconnue, toute opinion naissante a recours à la presse pour conquérir la faveur publique, et tout novateur commence par fonder un journal. La tempérance, l’abolition de l’esclavage, la franc-maçonnerie, l’agriculture, les sciences, la pédagogie, ont enfanté et enfantent tous les jours une multitude de feuilles. Il n’est point jusqu’aux sauvages qui n’aient des journaux rédigés dans leur langue : les Choctaws en ont un, les Cherokees en ont deux. L’immigration européenne a donné également naissance à des feuilles françaises, italiennes et allemandes. Les journaux allemands sont aujourd’hui au nombre de plus de cent; quelques-uns d’entre eux semblent n’avoir d’autre objet que de continuer en Amérique une polémique devenue impossible en Europe : ils sont exclusivement envahis par l’exposition des doctrines les plus contraires à tout esprit religieux et à tout ordre social. Ils obtiennent d’ailleurs le succès qu’ils méritent. Quelque haine que l’émigrant allemand ait apportée contre la société, une fois qu’il a un champ à mettre en culture et une famille à nourrir, il oublie ses préjugés; il délaisse la politique pour la cognée ou la charrue, et s’il ouvre un journal, ce n’est point pour y lire quelque tirade contre les tyrans ou contre la superstition, c’est pour y chercher le prix courant du froment et des salaisons.


III.

Les commencemens de la presse périodique ont été aux États-Unis plus pénibles et plus laborieux que ceux de la presse quotidienne. De longues années s’écoulèrent avant qu’un seul recueil mensuel, du genre de ceux qui sont aujourd’hui si répandus en Amérique, réussît à vivre. Cependant c’est un nom illustre, celui de Franklin, qui s’offre à nous le premier. Franklin fut séduit par le succès qu’obtenait en Angleterre le Gentleman’s Magazine, qui date de 1731 et qui existe encore, et dès 1741 il publia à Philadelphie, sous le titre de The general Magazine and Historical Chronicle, le premier numéro d’un recueil analogue. Franklin attachait beaucoup d’importance à cet essai. Une publication mensuelle lui paraissait avoir beaucoup d’avantages sur le journal : il y voyait un moyen précieux de répandre l’instruction parmi les masses, de combattre les préjugés, et de mettre, par des résumés substantiels, le public