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tenus dans cette voie par le public. On a fait deux ou trois tentatives pour établir à New-York de petits journaux consacrés aux gaillardises et destinés à vivre de scandale : ils sont morts en naissant. L’expérience a rassuré les Américains sur les prétendus dangers que la liberté de la presse ferait courir aux mœurs. Il y a dix ou douze ans, quelques membres du clergé s’alarmèrent fort de la vogue immense qu’obtenait la publication par livraisons du Juif-Errant et d’autres romans équivoques traduits du français. Cette vogue fut passagère : au bout de deux ou trois ans, toutes ces publications ne donnaient plus que de la perte à leurs éditeurs, et on signalait un accroissement notable dans la vente des magazines et des publications irréprochables. Il en est de l’esprit comme de l’estomac, qui ne peut supporter longtemps qu’une nourriture saine et fortifiante. Les journaux américains ont créé et entretenu dans les classes laborieuses le besoin de lire, et ce besoin, qui a d’abord accepté toute pâture, sert puissamment aujourd’hui la cause de la morale et de la vérité.

Ceci nous amène naturellement à faire connaître un des élémens les plus recommandables de la presse américaine : nous voulons parler des journaux religieux, qui se publient en grand nombre et avec un remarquable succès. Ces journaux[1] sont destinés à fournir le dimanche une lecture instructive et morale aux familles, et ils sont rédigés avec beaucoup de soin. Presque tous contiennent une grande quantité de nouvelles politiques ou littéraires, mais sous la forme de résumés très serrés. La plus grande partie du journal est consacrée aux nouvelles religieuses, soit de l’intérieur de la confédération, soit des pays étrangers. Une place est également réservée à la polémique. Ces feuilles absorbent toute l’activité intellectuelle du clergé américain, et quoiqu’elles soient créées et soutenues par l’amour de la controverse qu’entretient aux États-Unis la rivalité des sectes religieuses, quoiqu’une part considérable y soit forcément faite à la théologie, on ne peut disconvenir qu’elles n’offrent un réel intérêt à ceux qui aiment les lectures sérieuses. Il existait depuis longtemps aux États-Unis des recueils consacrés spécialement aux matières de piété; mais le premier journal religieux rédigé sur le plan que toutes les publications du même genre ont adopté a été fondé à Boston en 1816 par le révérend Sydney E. Morse; il portait le titre de Boston Recorder. Il n’a point tardé à avoir beaucoup d’imitateurs, parce que chaque secte a voulu avoir son organe. C’est ainsi qu’à New-York seulement se publient : l’Observer, l’Evangelist, le Christian Advocate, le Presbyterian, l’Indépendant, qui tous ont un très grand

  1. D’un format in-quarto, imprimés très fin, pouvant contenir la valeur de 150 pages in-12; ils paraissent une fois par semaine, et ne coûtent que 2 dollars par an.