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quotidiens des États-Unis, ce qui donne un tirage moyen de 4,000 numéros par journal.

Avec une clientèle aussi peu considérable, les journaux américains, obligés par la concurrence à se vendre bon marché, ne peuvent faire que de faibles recettes et disposent de très peu de ressources. Aussi les conditions faites aux écrivains ne sont-elles pas de nature à retenir dans la presse les hommes à qui leur talent peut ouvrir une autre carrière. Le directeur d’un journal influent de New-York, interrogé à Londres en 1851 par la commission d’enquête sur le timbre, déclarait qu’il connaissait un écrivain en possession d’un traitement de 600 livres sterling, mais que c’était une exception : il évaluait de 100 livres à 300 le taux ordinaire des traitemens dans les principaux journaux. Pour apprécier combien est faible cette rémunération d’un travail tout intellectuel, qui exige des connaissances étendues et certaines aptitudes spéciales, il suffit de se rappeler que le taux des salaires aux États-Unis est de beaucoup supérieur à ce qu’il est en Europe. Un écrivain attaché à la presse gagne moins à New-York qu’un ouvrier mécanicien ou qu’un ébéniste un peu habile. Les journaux à bon marché, introduits, il y a vingt ans, aux États-Unis par une révolution toute semblable à celle qui s’accomplissait, à la même époque, dans la presse française, n’y ont pas, comme en France, amélioré la condition des écrivains. Il est probable que c’est de leur initiative que viendra cette réforme, mais elle ne se réalisera pas de quelque temps, parce que ces journaux sont encore à l’état d’exception, et surtout parce qu’ils s’adressent à un public spécial, qui n’a aucune exigence littéraire.

Le prix ordinaire des grands journaux quoditiens était, jusqu’en 1833, de 6 cents (31 centimes 1/2) par numéro. À ce prix, un journal qui avait un millier d’abonnés et quelques annonces suffisait à ses dépenses. D’une industrie qui ne donnait que des profits très médiocres, mais où les chances de perte étaient à peu près nulles, les journaux à bon marché ont fait une industrie précaire, mais où il est possible de réaliser de grands bénéfices. Leur concurrence a obligé les grands journaux à réduire leur prix à 3 ou à 4 cents, et même un peu au-dessous, pour les personnes qui s’abonnent aux 313 numéros de l’année à raison de 8 ou de 10 dollars. À vrai dire, l’abonnement, qui était autrefois la règle générale, est aujourd’hui l’exception. C’est là le changement le plus radical apporté par les journaux à bon marché dans la situation de la presse américaine. Autrefois toute personne domiciliée dans une ville et un peu connue recevait un journal sur sa simple demande ; hors de la ville, il suffisait de consigner d’avance au bureau de poste de sa résidence le port du journal pendant un trimestre. La grande majorité des abonnés