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fluence d’une longue paix avait endormi son courage et engourdi ses forces; mais quand est venue la tempête apportée du midi, le Danois s’est levé, et il a été digne de son passé glorieux, il a été à la hauteur du péril, il a été vainqueur!... » Puis, s’adressant à ses invités, le roi dit : « Tout sincère ami de la patrie contemple avec joie la jeunesse scandinave rassemblée ici dans une fraternelle union. Jeunesse et avenir, objets d’une pensée commune, s’éclairent aujourd’hui du soleil levant de la fraternité. Son éclat illumine les montagnes de la vieille Scandinavie, ses forêts épaisses, ses lacs d’eau vive, ses champs parsemés de fleurs. La discorde s’est enfuie, la haine a disparu. Nos poètes chantent la gloire commune; pour la commune défense, nos épées sont prêtes... A partir de ce jour, plus de guerre possible entre les trois peuples frères ! C’est l’inébranlable volonté inscrite au cœur des deux rois, au cœur des trois peuples du Nord! » Des tonnerres d’applaudissemens suivirent ces dernières paroles. Suédois, Norvégiens et Danois saluaient dans ce langage la première victoire gagnée par le scandinavisme, c’est-à-dire l’oubli des anciennes discordes; une bouche royale constatait et par là consacrait ce beau résultat : — plus de guerre possible entre les nations scandinaves !

Mais ce n’est pas tout : les différentes harangues du roi Oscar, outre le souvenir des défaites de l’Allemagne, outre l’assurance que les guerres fraternelles étaient finies pour jamais, contenaient quelques expressions générales et vagues derrière lesquelles on croyait apercevoir le conseil d’une alliance complète entre les trois peuples du Nord. Une telle alliance ne devait-elle pas nécessairement devenir un jour politique? A quelle distance précise l’union morale, déjà élaborée par les peuples et proclamée par leurs souverains, se trouvait-elle encore d’une telle consécration? Questions délicates qui naissent de l’épisode que nous venons de raconter, et auxquelles il nous reste à répondre en nous efforçant de ne pas dépasser les limites précises de la réalité.

Un orateur de la dernière réunion scandinave, M. C. Ploug, que nous avons déjà nommé, a résolument abordé lui-même ces questions et les a publiquement produites. Laissant là, comme faits accomplis, le rapprochement intellectuel et moral et la réconciliation fraternelle des peuples du Nord, il a porté un toast à leur union politique. Son discours datera dans l’histoire du scandinavisme comme un curieux témoignage des espérances que ce mouvement a fait naître, peut-être même comme un programme de l’avenir. « Le temps est venu, a-t-il dit, de saisir le côté extérieur et pratique de l’idée scandinave, et de savoir nettement ce qu’on veut, et comment on le veut. Si elle nous préserve de l’horreur des guerres fraternelles, notre mutuelle amitié