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Provinciales, sur Bossuet et les quatre articles, sur le jansénisme et Port-Royal, comme M. de Maistre l’a voulu.

C’est, là un fait grave et dont il est impossible qu’il ne sorte pas d’importantes conséquences. Le cardinal de Lorraine n’est pas suspect; c’était l’apôtre de la sainte ligue, et cependant, assistant au concile de Trente, voici quel était son langage : « Je ne puis nier que je suis Français nourri en l’Université de Paris, en laquelle on tient l’autorité du concile par-dessus le pape, et sont censurés comme hérétiques ceux qui tiennent le contraire;... et pour ça on fera plutôt mourir les Français que d’aller au contraire. » « L’église gallicane, dit M. de Bausset, a donné à la France ses plus grands ministres et à l’Europe ses plus grands orateurs; mais sa plus grande gloire est d’être la seule qui ait eu constamment un esprit national. » C’est cet esprit national qu’on l’exhorte à déposer. Il s’est manifesté, il s’est épanoui au XVIIe siècle, et comme pour la science, la critique et l’éloquence, le clergé n’a point eu dans notre pays de plus belle époque, c’est celle-là qu’il est juste et naturel de choisir pour le juger. Aussi, pendant près de cinquante ans, la plus grande partie de la jeunesse a-t-elle été élevée à chercher là ses maîtres et ses modèles, à considérer le siècle de Louis XIV comme l’âge d’or de la religion aussi bien que des lettres. Qu’on exagérât cette opinion, la chose est possible; mais on la fondait sur des faits éclatans, et que notre pays regarde avec raison comme une partie de sa gloire. Or, s’il fallait caractériser d’une manière générale l’esprit du clergé au XVIIe siècle, on pourrait dire qu’il tendait à ce que dans les deux derniers siècles on a appelé une religion éclairée ou un christianisme raisonnable. Ce qui le signalait, c’était, dans la politique religieuse, un certain goût d’indépendance et de nationalité, dans les lettres l’amour intelligent de l’antiquité, dans la morale une sévérité conséquente, dans la liturgie une pieuse fidélité à des usages révérés, dans le dogme un certain éloignement pour les accessoires superstitieux, pour les puérilités du moyen âge, et un soin jaloux de purifier la foi de tout élément légendaire. Que cet esprit s’unît par un rapport très explicable avec une interprétation particulière des doctrines de la chute, de la grâce et de la liberté qu’on appelle le thomisme, l’augustinianisme, et dont le jansénisme est l’expression la plus accusée; que malgré un contraste apparent, le gallicanisme, favorable à ces idées rigoureuses, eût un secret penchant vers ce que les modernes ont appelé le libéralisme, comme l’a montré par exemple l’Oratoire et comme le soupçonnait l’âme tyrannique de Richelieu, ce sont là des faits donnés par l’histoire, et qui peut-être sont le vrai motif de la réaction immodérée dont nous sommes témoins.

On peut dire, afin de se servir d’un seul mot, que cet esprit du