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éloigné de Calvin que de Pelage. Avant notre temps et surtout avant M. de Maistre, rien de ce qui pouvait être distingué n’était confondu, et les mots tout ou rien n’étaient la devise d’aucun esprit sage ; mais maintenant parcourez la série des assertions suivantes : « 1° Il n’y a plus que deux systèmes possibles, le catholicisme et le déisme… Un protestant, s’il existait, serait un être risible. 2° Toutes les sectes sont filles du calvinisme ; la plus dangereuse est le jansénisme, parce qu’elle se couvre d’un masque catholique… Calvin n’aurait pas mieux dit que Pascal et sa hideuse secte. 3° Un augustinien ou thomiste rigide pourra bien condamner le jansénisme, mais non le haïr ;… jamais il ne le poursuivra comme ennemi. » 4° Enfin on connaît la phrase célèbre : « Si Bossuet n’a pas avant de mourir abandonné sa Défense des quatre articles (et l’on sait bien qu’il n’en a rien fait), il n’y a point de milieu ; il faut croire que Bossuet est mort protestant. » 5° Un ridicule gallican, c’est d’opposer constamment le protestantisme et l’ultramontanisme comme deux systèmes également éloignés de la vérité ; c’est oublier en effet qu’il n’y a point de milieu.

Il n’y a point de milieu ! Tel est le texte favori des esprits de la trempe de M. de Maistre, et c’est, en toutes choses intéressant la société, la plus funeste conclusion à laquelle puisse mener l’union de la logique et de la passion. C’est parce qu’il tend constamment à l’excessif et à l’absolu que nous croyons toujours à propos de relever ses erreurs. C’est par là que son influence, en lui survivant, mérite encore d’être combattue, et qu’il faut prémunir contre elle quiconque veut le ralliement des opinions vraiment nationales et des convictions honorables. Il ne faut pas qu’il se forme sous son nom une école politique à la suite d’une école religieuse, car, on doit le dire avec douleur, dans l’église il a trop réussi.


V.

On a vu que notre foi était médiocre aux prophéties de M. de Maistre ; en voici une pourtant qu’il écrivait en 1819, et dont nous ne pouvons contester l’accomplissement : « Le souverain pontife et le sacerdoce français s’embrasseront, et dans cet embrassement sacré ils étoufferont les maximes gallicanes. » Il est vrai qu’il ajoute : « Alors le clergé français commencera une nouvelle ère et reconstruira la France, et la France prêchera la religion à l’Europe, et jamais on n’aura rien vu d’égal à cette propagande. » Ceci reste à prouver ; mais quant au premier point, c’en est fait : tout ce qui parle haut dans l’église s’exprime sur les doctrines gallicanes, sur les libertés chères à nos pères, sur la déclaration de 1682, sur Pascal et les