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tion a parfois mis obstacle aux violences du moyen âge, qu’enfin elle n’a pas toujours été dirigée par l’ambition, et que les papes ont été dans l’occasion moins passionnés que les rois : c’est ce qu’on lui accordera aisément, et ce qu’on le dispensera même de prouver, pourvu qu’il accorde que la suprématie pontificale a été souvent contestée dans les prérogatives qu’elle s’attribuait, qu’on peut invoquer contre elle d’imposantes autorités, qu’elle a souvent été contenue et réprimée avec avantage, que les princes ont eu souvent raison de la restreindre, et que si l’orgueil ou la passion les a quelquefois dirigés, ils ont souvent aussi, dans la lutte, défendu le bon droit et l’intérêt légitime de l’état et de la société. De la manière dont étaient constituées les deux puissances, leur conflit était inévitable, et il a dû servir à limiter les excès de l’une ou de l’autre. Le bien dans ce monde ne se fait le plus souvent que par la lutte, et il est peu de résistances qui n’aient leur jour d’utilité. Mais toutes ces considérations historiques, toutes ces vues de politique pratique, n’ont rien à faire avec la question de l’infaillibilité.

Si l’on ne pouvait soutenir l’autorité absolue des papes sans rencontrer le pouvoir et l’indépendance des gouvernemens, on ne pouvait soutenir l’infaillibilité des premiers sans se heurter aux droits de l’église et des conciles. Toutes les recherches de M. de Maistre ont abouti seulement à prouver qu’en toutes ces matières le pour et le contre avaient été soutenus, et que des deux côtés des Alpes personne n’avait formellement cédé. Rien d’absolu ne peut être établi par les faits; il faudrait donc des raisons spéculatives ou une révélation spéciale. Les premières ne vont pas à notre habile écrivain, et la seconde n’a pas été donnée sur ce point à l’église. Quoi qu’on soutienne aujourd’hui dans les bulles et dans les livres, quoi qu’on prononce dans l’avenir, on ne pourra faire que rétroactivement l’incertain ait été certain, le litigieux résolu, et ce qu’on établira manquera toujours de perpétuité et d’unité. En particulier, on rencontrera toujours la vieille et célèbre dissidence de cette église de France tant prônée par la chrétienté, tant louée par les papes eux-mêmes, et qui, sans avoir jamais été ni séparée ni condamnée, a maintes fois, et pendant de longues périodes, protesté contre la doctrine ultramontaine tant de la suprématie absolue que de l’infaillibilité pontificale. Il sera toujours impossible de regarder avec M. de Maistre cette doctrine comme un dogme capital, de dire : « C’est un point fixe;... qui balance sur ce point n’entend rien au christianisme, » et de tenir en même temps l’église gallicane pour constamment orthodoxe et catholique. Or, comme elle n’a jamais été sérieusement accusée de n’être ni l’un ni l’autre, c’est abuser des paroles pour effrayer les gens que d’incriminer si violemment les maximes qu’elle