Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/252

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tions dans la Bible; il écrivait les prophètes à la main. Mais l’Écriture n’a rien dit des événemens de la révolution française : en essayant, sept ou huit ans après qu’elle avait éclaté, de montrer dans sa marche les desseins d’en haut et de prédire l’avenir à l’aide d’un passé si court, en annonçant les faits, non parce qu’ils sont logiquement probables, mais miraculeusement singuliers et opposés à la sagesse humaine, l’auteur des Considérations sur la France se mettait dans l’obligation d’avoir un don surnaturel. La Providence étant, d’un avis commun, mystérieuse dans ses voies, le mystère reste mystère tant qu’il n’est pas révélé. La révélation de l’avenir, c’est l’inspiration prophétique, et les admirateurs de M. de Maistre n’ont pas uniquement cédé à un enthousiasme adulateur en le traitant parfois de prophète; ils n’ont fait que dire qu’il était ce qu’il faudrait qu’il eût été.

Lorsqu’on lit aujourd’hui son ouvrage à la distance des événemens, on ne peut malheureusement lui accorder aucun don de divination, ni même y admirer le bonheur des conjectures. A travers mille sarcasmes contre la révolution, contre ses principes et ses œuvres, contre les constitutions et leurs auteurs, il pose gratuitement que la vanité ou la brièveté de quelques-unes de ses créations, la violence ou la perversité de certains actes, la grandeur de certains succès, que tout en un mot témoigne que Dieu se propose immédiatement la contre-révolution. Pourquoi cela? Il oublie de le dire; mais il se montre convaincu en 1797 que la contre-révolution va se faire, et que Louis XVIII est près de revenir avec l’ancien régime. Par là toutes les choses révolutionnaires rentreront dans le néant, ou plutôt, les gouvernemens révolutionnaires n’ayant rien produit, la restauration n’aura rien à détruire. Tout ira de soi; la contre-révolution s’opérera en un tour de main. Le chapitre où elle est décrite à l’avance la présente comme un incident des plus simples amené par les plus petits moyens. Pas une haute pensée, pas une volonté énergique, pas un mouvement national, pas un événement dramatique n’est indiqué comme nécessaire. Rien de grand en un mot ne se lie, dans l’esprit du prophète, à la crise réparatrice qu’il se plaît à prédire. Il la souhaite mesquine, apparemment pour qu’elle soit plus humiliante. Lorsqu’en effet, pour avoir vu dans les affaires humaines le mal se mêler au bien, la petitesse à la grandeur, le ridicule au sérieux, on se plaît à exagérer en quelque sorte cette incohérence des choses et à outrer nos misères, parce qu’on croit grandir la Providence en lui prêtant des calculs fantasques, on rapetisse les hommes afin de les confondre, et l’on arrive peu à peu, sans s’en douter, à considérer le train de ce monde précisément au même point de vue que Voltaire. Comme Voltaire, M. de Maistre a besoin que l’humanité n’ait pas le sens commun, pour que Dieu seul