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natifs du canton. Cette condition a disparu entièrement. De son côté, la Suisse s’engage à couvrir d’une amnistie complète tous les faits se rattachant à l’insurrection royaliste de l’an dernier, et elle se charge de tous les frais occasionnés par ces événemens. Les revenus des propriétés de l’église annexées au domaine de l’état en 1848, les biens dépendant des hospices, des fondations pieuses, ne pourront être détournés du but de la fondation ou de leur destination primitive. À ces conditions, l’article du traité de Vienne qui consacre la souveraineté du roi de Prusse est abrogé, et Neuchâtel devient exclusivement canton libre, souverain et indépendant, comme tous les autres cantons dans la confédération helvétique.

Maintenant quel sera le sort de ce projet ? Il ne peut être douteux, bien que les plénipotentiaires de la Prusse et de la Suisse ne se soient pas crus autorisés à accepter les propositions des quatre puissances médiatrices sans en référer à leurs gouvernemens respectifs. La Prusse n’a évidemment nul intérêt à prolonger des difficultés qui ne seraient plus que d’inutiles subterfuges pour défendre des droits de souveraineté désormais chimériques. La Suisse a moins d’intérêt encore en ce moment à laisser les négociations se rompre et la question reprendre tout à coup la gravité périlleuse qu’elle avait cet hiver. En définitive, le résultat est là : Neuchâtel reste canton suisse, exclusivement suisse en fait et en droit, et c’est bien le moins d’acheter par quelques sacrifices, d’ailleurs secondaires, une transaction qui a le suprême mérite de placer le fait sous la sanction du droit. C’est ce qu’a déjà pensé, à ce qu’il paraît, le canton de Neuchâtel lui-même, à qui l’arrangement proposé a été communiqué ; c’est sans nul doute l’opinion du conseil exécutif de Berne, dût-il avoir à soutenir quelques luttes avec l’assemblée fédérale, et c’est ce que pensera aussi la Prusse, si son adhésion n’est même déjà connue. Il y a d’ailleurs une raison plus forte qui doit assurer le succès de cette transaction, conçue et préparée avec autant de dextérité que de ménagement pour tous les intérêts : c’est que celui des deux états qui refuserait d’y souscrire se mettrait nécessairement dans une position difficile vis-à-vis des quatre puissances médiatrices ; il ferait bien plus encore, il se mettrait en flagrante et directe opposition avec l’opinion publique de l’Europe, qui a suivi les péripéties de cette négociation sans les connaître toujours exactement, sans se rendre compte même parfaitement de ce que c’était que la question de Neuchâtel, mais en condamnant d’avance celui qui pousserait la résistance au point de faire sortir un trouble général d’une difficulté de cette nature. L’intervention de l’opinion publique dans ces affaires délicates a parfois ses dangers, cela est possible ; elle peut déranger les combinaisons de la diplomatie en tenant en éveil les susceptibilités : l’opinion néanmoins peut souvent aussi être un appui utile. Elle a été ici l’auxiliaire la plus efficace de la diplomatie, par cela même qu’elle a toujours réclamé une transaction pour que cette question de Neuchâtel disparût enfin de la politique, et emportât avec elle ces chances de conflit pour une souveraineté si étrangement disputée.

Et quand cette affaire de Neuchâtel aura disparu de la scène, l’Europe n’aura pas tout fini : elle aura le lendemain à régler une autre question de souveraineté, ou du moins la question d’une organisation nouvelle pour les principautés danubiennes. Il y a plus d’un an déjà, les plénipotentiaires de l’Europe, réunis pour signer la paix, inscrivaient dans le traité de Paris le