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terceptera-t-elle pas les voies ferrées ? Il convient premièrement de mettre en dehors de l’objection les sections méridionales du réseau, qui ne seront pas plus sujettes à cet inconvénient que les chemins de fer de nos climats tempérés. Dans la zone du sud, la neige n’est ni assez habituelle ni assez régulièrement persistante pour que l’on y ait adopté le traînage ; l’usage reçu est qu’il se fasse aux frontières mêmes de cette zone un échange de la voiture contre le traîneau ou du traîneau contre la voiture, selon qu’on va du sud au centre ou qu’on vient du centre au sud. Quant aux lignes des zones centrale et septentrionale, on peut en juger d’après ce qui s’est passé sur la ligne de Pétersbourg à Moscou : de 1851 à 1856, la circulation y a été suspendue trois jours. Il ne s’agit donc que de comprendre dans les frais d’exploitation la dépense spéciale de l’enlèvement des neiges, dépense qui est quelquefois aussi nécessitée sur les chemins de la Prusse et sur le chemin de l’est en France, et qui est évaluée en Russie à un millier de francs par kilomètre.

La zone méridionale semble, comme la zone septentrionale, tenir dans la culture russe, actuellement du moins, un rang inférieur. Ce qui la caractérise, ce sont les steppes qui partent du sud de la Bessarabie, suivent le littoral de la Mer-Noire et de la mer d’Azof, et se terminent dans les provinces de Stavropol et d’Astrakan. Ces steppes sont des plaines unies souvent à perte de vue, offrant de loin en loin des bouquets de bois et plus généralement des broussailles, çà et là coupées de ravins, présentant par intervalle de légères ondulations ou des éminences tumulaires, dont plusieurs affectent la forme conique et sont surmontées de statues grossières, monumens encore inexpliqués des peuplades qui ont visité cette terre. En outre elles sont parsemées,. Dans presque toute leur étendue, de marais et de lacs salans ; frappées ici de stérilité en raison de la nature saline du sol, là elles se couvrent au printemps et à l’automne d’une végétation spontanée et luxuriante, d’herbes de la hauteur d’un homme, de milliers de fleurs aromatiques. Les terres arables de bonne qualité ne font pas défaut ; si les steppes pénètrent dans la région de la terre noire, des filons de cette terre riche se prolongent aussi jusque dans les steppes et appellent la culture. Sous le règne de Catherine II, des émigrations allemandes des bords du Rhin vinrent s’établir sur le cours inférieur du Volga ; des memnonites de la secte des anabaptistes abandonnèrent la Prusse, où ils étaient persécutés, pour jouir en paix de la concession de champs fertiles entre le Dnieper et la mer d’Azof. L’empereur Paul avait aussi proposé dans ces steppes un asile et une œuvre de colonisation au prince de Condé et à son armée, qui faillirent accepter. Cependant la population sédentaire et agricole s’y accroît lentement ; les