Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

phiquement un appendice, rien ne ressemble moins que la péninsule suédo-norvégienne, région de montagnes et de fleuves, aux grandes plaines de la Russie, qui se relient au vaste plateau européen formant les côtes méridionales de la Mer du Nord et de la Baltique, pour le continuer jusqu’aux extrémités orientales de l’Asie. D’autre part, quelle différence n’y a-t-il pas entre les landes qui couvrent l’Allemagne du nord et la vive physionomie des rians paysages du Danemark!

Les traits si profondément gravés par la nature physique et morale s’étaient-ils effacés sous l’influence active de la civilisation, et par le mélange des idées et des peuples? Loin de là, ils s’étaient conservés intacts, malgré des apparences contraires, et avaient engagé ces peuples, à leur insu peut-être, dans de communes destinées. Au même temps et d’un même essor, confondus sous la dénomination commune de Northmans ou hommes du Nord, ils avaient exercé la piraterie et s’étaient dispersés en colonies lointaines; ensemble et d’une pareille ardeur ils acceptèrent le christianisme, puis, dans une semblable mesure, la réforme. Si enfin la langue norske s’était divisée pour former le suédois, le norvégien et le danois, ces trois idiomes n’en restaient pas moins les rameaux d’une même souche dont l’affinité était aisément visible. Il est vrai que de fréquentes guerres civiles avaient, pendant le moyen âge et une partie des temps modernes, armé les uns contre les autres les enfans de la Scandinavie. Leurs intérêts répugnaient-ils donc à l’alliance conseillée primitivement par la nature? Non, tout au contraire : on reconnut que les discordes passées avaient seulement affaibli chacun des trois peuples en substituant des haines fraternelles à un noble concours intellectuel et moral, et l’on comprit dans le Nord ce que l’on commençait à comprendre, vers la même époque, dans les autres états de l’Europe, combien la Providence cache de salutaires conseils et de ressources sous cette mystérieuse enveloppe qu’on appelle une nationalité. Ainsi naquit de l’idée de commune origine et de parenté mieux comprise le mouvement du scandinavisme. La conformité du développement littéraire avait conduit aux mêmes conclusions morales : chaque peuple scandinave avait admiré l’essor poétique du peuple voisin; il y avait rencontré une inspiration identique à la sienne; il avait retrouvé des alliés, des frères, et il était décidé à faire disparaître désormais dans une sympathique union les préjugés ou les dissentimens d’un autre âge.

Le scandinavisme, ou, comme on dit encore, l’idée scandinave, a pour la première fois conçu une vue claire de son objet et pris un corps le jour ou dans la cathédrale de Lund, en 1829, OEhlenschlæger reçut de Tegner la couronne de laurier. Tous deux s’embrassèrent en présence des jeunes gens. Suédois et Danois, qu’avaient enflammés