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temps pour leur faire décrire un cercle, puis elle les lança au galop. Entraîné derrière eux dans leur course rapide, le sol qu’ils détachaient glissa à travers le continent de la Suède vers le rivage du sud-ouest, puis sur les vagues du Skager-Rack et du Sund, et alla s’arrêter au milieu de ce beau détroit, entre le Jutland et la Suède, où il forma l’île de Seeland, tête et cœur du Danemark. L’espace resté vide à la surface du continent suédois fut occupé aussitôt par le lac Mélar, qui reçut primitivement, suivant la tradition, une forme précisément identique à celle de Seeland, chacun de ses golfes correspondant à un promontoire de l’île récente. Le pays voisin du Mélar avait été bien évidemment le centre religieux des trois pays Scandinaves. De même que les différentes tribus de la race hellénique ornaient de leurs riches offrandes le temple d’Apollon Delphien, de même les anciens Suédois, Norvégiens et Danois vénéraient et enrichissaient le temple païen d’Upsal. Les plus vieilles sagas le représentent orné de splendides présens; il était surmonté, suivant un dessin que sainte Brigitte a porté et laissé à Rome, de quatre tours inégales, entourées d’une chaîne d’or massif. L’une de ces tours dépassait de beaucoup les autres, qui étaient consacrées à Odin, Thor et Frei. Bien que le premier de ces trois dieux reçût dans tout le Nord un culte général, c’était pourtant en Danemark qu’il était particulièrement adoré. Thor était le dieu de la Norvège, et Frei celui des Suédois. Bien des témoignages actuels attestent les curieux souvenirs d’une antiquité si reculée. L’église chrétienne édifiée pour l’ancien Upsal (Gamle Upsala), qui n’est plus aujourd’hui qu’un pauvre village voisin de l’université, repose sur les fondations du temple païen, visibles encore avec quelques pans de vieux murs, et nous avons déjà nommé les trois monticules, tombeaux des grands dieux, qui sont jusque dans notre temps une sensible image de l’ancienne communauté de croyances et de culte.

Après la communauté de la religion, celle du langage, que nous indiquions tout à l’heure, est indubitablement la preuve d’une étroite parenté; elle suppose en son temps l’identité des sentimens et celle des idées. Or il est certain qu’avant la formation des idiomes modernes, tout le nord scandinave se servait d’une seule et même langue, le norsk ou islandais, langue primitive qu’on retrouve en Islande, langue des Eddas et des sagas, de ces curieux livres où se rencontrent mêlées les traditions mythologiques et historiques de chacun des trois peuples.

Enfin la science, apportant, elle aussi, son tribut à la nouvelle école, avait remarqué que les traits physiques ne manquaient pas eux-mêmes pour distinguer profondément la Scandinavie des contrées qui l’environnent. Sans examiner si la Finlande en est géogra-