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de la petite maison d’Herblay toutes grandes ouvertes au soleil. L’idée que Mme Rose était peut-être de retour lui vint au cœur. Il poussa un grand cri et se mit à courir ; puis il s’arrêta, n’osant plus marcher. « Si c’était encore un rêve ! » pensa-t-il. Cependant les rideaux s’agitaient joyeusement, chassés par la brise. Tambour aboyait toujours. Georges s’élança vers la maison. Une femme était sur la porte qui lui tendait les mains. Georges les prit et fondit en larmes.

VIII

Mme Rose était rentrée seule à la maison d’Herblay. Le premier moment d’effusion passé, elle raconta à M. de Francalin quels motifs l’avaient ramenée si peu de jours après sa lettre. Le soir même du jour où elle avait écrit, un homme qu’elle croyait avoir vu à Herblay avant son départ pour la Belgique s’était présenté chez M. de Réthel. Mme Rose était assise auprès d’une fenêtre qui ouvrait sur le jardin où M. de Réthel avait conduit cet homme. L’entretien paraissait animé. Quelques mots, souvent interrompus par la marche, arrivaient jusqu’à Mme Rose ; elle comprit bientôt qu’il s’agissait d’une tentative nouvelle dont le plan était proposé à M. de Réthel. Elle était heureuse néanmoins de voir que le comte se défendait d’y prendre part. La voix des interlocuteurs s’abaissait et s’élevait avec des alternatives de vivacité et d’emportement. On voyait que la conversation s’échauffait. Tout à coup l’étranger s’arrêta : « Je vois ce que c’est, dit-il, vous avez peur ! Ne nous vendez pas seulement, nous agirons sans vous. » Plus prompte que l’éclair, la main de M. de Réthel tomba sur le visage de cet homme. « Battez-moi, dit le sombre sectaire, et marchez pour montrer que vous n’êtes pas un traître !

— Eh bien ! répondit M. de Réthel, j’irai si loin que pas un de vous n’osera me suivre ! »

« Je n’avais pas une goutte de sang dans les veines, continua Mme Rose. « Vous avez tout entendu, me dit M. de Réthel quand il rentra, je n’ai donc rien à vous expliquer. » Sa voix était brève et impérieuse comme celle d’un homme qui a peur des contradictions. « Qu’allez-vous faire à présent ? » lui dis-je. « Demain, je vous le dirai ; ce que je sais seulement, c’est que l’honneur me défend de reculer. » L’honneur ! où le plaçait-il, mon Dieu ! Ce n’était déjà plus le même accent et le même regard ; l’homme des anciens jours venait de reparaître. Le lendemain, il resta dehors toute la journée. Je le vis à peine quelques minutes. « Dormez, » me dit-il le soir ; « j’ai affaire dans la ville, je rentrerai un peu tard. » Il m’embrassa et sortit. À mon réveil, j’appris que M. de Réthel était parti. On me remit une lettre par laquelle il me priait de retourner à Herblay. « Au