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pas même une visite de Valentin, trop occupé de sa candidature au grade de chef de bataillon pour songer à Georges, qu’il avait à peine entrevu à son passage à Paris, M. de Francalin reçut une lettre timbrée de Bruxelles. Il courut se cacher à Herblay pour la lire.

« C’est encore moi, mon ami, et je viens vous donner des nouvelles de personnes qui ne vous oublient pas. Un jour ne se passe pas sans que votre nom soit prononcé ; une heure se passe-t-elle sans que vous pensiez à nous ?

« Notre vie est ici très-tranquille jusqu’à présent. Quelques lectures, des promenades dans la campagne, deux ou trois petites excursions dans les villes curieuses qui nous entourent, la remplissent. M. de Réthel paraît se soumettre, sans trop de chagrins, à cet exil auquel je l’ai condamné. Il lit beaucoup ; les journaux de Paris l’émeuvent quelquefois. Il sort alors, et se fatigue à marcher. Sa promenade favorite est le champ de bataille de Waterloo, où il va souvent à cheval. Quand il rentre, il est plus calme ; mais ce caractère primesautier a des révoltes si rapides ! Il lui faudrait de nouvelles habitudes, et elles ne sont pas encore nées.

« Ces temps-ci, peut-être partirons-nous pour un voyage en Suisse par le Rhin. Si M. de Réthel se trouve bien de cette course, nous pousserons jusqu’en Italie ou dans le Tyrol. Le voisinage de Paris m’effraye. Il nous vient parfois des visites dans le goût de celles que nous recevions à Herblay ; elles agitent mon malade et diminuent dans son esprit les bienfaits de l’isolement. Je veux l’en éloigner. J’ai pensé sérieusement à le mener en Amérique. C’est mettre l’Océan entre les boulevards et lui ; mais là-bas j’aurais peur qu’il n’enrôlât une troupe d’aventuriers et ne partît pour le Texas ou Mexico. Et puis j’hésite à faire ce grand voyage. À mon âge, le cœur se serre à la pensée de quitter la France et tout ce que j’y aime.

« Le nom d’Herblay s’est rencontré sous ma plume…. Cher Herblay ! y retournerai-je jamais ?… En visitez-vous quelquefois les doux paysages ? Toute campagne me paraît triste auprès de celle-là. Quand je ferme les yeux, il me semble la voir ; les moindres accidents du coteau et de la rive, la fumée du village, le clocher de pierres grises, le rideau noir de la forêt, tout se reflète en moi. Je vois la Tortue sur l’eau, je vois Canada la perche ou l’aviron à la main, je vois la queue blanche de Tambour qui furette, je l’entends qui jappe…. Vous souvient-il de votre dernier mot à M. de Réthel ? « Serez-vous heureux maintenant ?… » Ah ! que je sais de gens qui le seraient à peu de frais ! Un petit coin de l’horizon leur suffirait, et ils laisseraient le reste de la terre aux ambitieux….

« J’en étais là de ma lettre quand l’arrivée de M. de Réthel m’a