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travaillant avec une généreuse persévérance à leur destinée ; mais l’œuvre devient bien plus difficile quand tout se dit, lorsque toutes les ambitions se publient, lorsque les haines elles-mêmes peuvent se produire, et que ces aspirations ou ces haines affectent nécessairement d’autres situations. Aussi est-ce dans un sentiment profond des intérêts piémontais que les hommes d’état de Turin doivent puiser le conseil d’une politique conservatrice. La modération n’est point ici seulement une règle ordinaire de politique, c’est une affaire de patriotisme. Qu’on prêche l’assassinat de l’empereur d’Autriche et de ses généraux dans certaines feuilles, ce n’est pas ce qui peut donner de la force au Piémont. Qu’on tourne en ridicule par des parades de rues les choses religieuses dans l’île de Sardaigne, cela ne sert nullement le libéralisme. Il n’y a aucune solidarité entre ces excès et le sentiment patriotique ou libéral du Piémont et de l’Italie. Démêler ce sentiment, s’appuyer sur lui et réprimer ses excès, voilà l’œuvre vraiment politique pour un homme d’état comme M. de Cavour, placé aujourd’hui dans de telles conditions que personne ne lui dispute le pouvoir. C’est ainsi qu’après avoir résisté avec une ferme et virile courtoisie à un essai d’intimidation, il peut opposer à l’Autriche la plus dangereuse des propagandes, celle d’un patriotisme vrai et pratique, d’un libéralisme sensé, qui se fortifie par toutes les croyances morales, au lieu de prétendre trop souvent vivre sans elles. Réduit à ses termes les plus simples, le problème le plus important aujourd’hui pour la politique intérieure et extérieure du Piémont, ce serait le rapprochement de toutes les fractions libérales du parti conservateur, et cette œuvre, M. de Cavour a certainement assez d’habileté pour l’accomplir, s’il le veut ; il pourrait l’accomplir à son profit et au grand profit de son pays. Ce jour-là, il aurait rendu un plus mauvais service Il l’Autriche qu’en recevant une députation de Modène ou de Reggio.

Placée en quelque sorte au centre de ce mouvement des affaires universelles, la France a le singulier avantage d’avoir fait plus d’expériences que beaucoup d’autres peuples et de s’intéresser à tous les spectacles. Pour elle-même, elle a sa vie réglée, ses affaires classées. C’est un mouvement calme où les intérêts industriels ont toujours une grande place, et où l’importance des choses morales se révèle parfois encore par des lumières à peine entrevues, par des incidens passagers, par des discussions qui, sous une apparence d’abstraction, cachent souvent des faits curieux. Il s’est élevé depuis peu une question non certes indifférente quand on considère à quel point elle se lie au développement de notre histoire, mais au moins inattendue. Il s’agit de mesures à adopter contre l’usurpation des titres nobiliaires. Une pétition a été d’abord adressée au sénat pour réclamer le rétablissement d’une pénalité contre l’usurpation des titres. Cette pétition a été renvoyée au ministère de la justice, et le gouvernement à son tour, s’appuyant sans doute moins sur la pétition elle-même que sur les considérations développées dans le sénat, vient de soumettre la question à l’examen du conseil d’état. Pendant longtemps, une pénalité a existé contre l’usurpation des titres, elle était inscrite dans les lois impériales de 1810 ; la disposition adoptée sous l’empire se trouvait naturellement modifiée sous la restauration pour faire place a la noblesse ancienne à côté de la noblesse nouvelle. Cette pénalité a été maintenue jusqu’après la révolution de juillet, époque où l’on a fait dispa-