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tions diverses qui seraient pour elle le prix de la renonciation à ses droits de souveraineté sur Neuchâtel. Le roi Frédéric-Guillaume conserverait le titre simplement honorifique de prince de Neuchâtel et de Valengin ; une indemnité de deux millions lui serait payée par la Suisse ; une amnistie pleine et entière devrait être accordée à tous les insurgés royalistes ; les propriétés appartenant anciennement aux églises protestantes, et réunies au domaine de l’état il y a quelques années, seraient restituées aux églises ; les legs faits à des fondations pieuses par diverses personnes » et notamment par le baron de Pury, seraient garantis par l’état. Enfin un délai de six mois serait laissé pour la révision de la constitution de Neuchâtel, et de plus cette révision ne pourrait être l’œuvre que de citoyens natifs du canton. Le délai réclamé s’explique par cette circonstance que la constitution votée en 1848 pouvant être révisée après neuf ans, cette révision pourrait être enlevée avec trop de précipitation d’ici à peu de jours.

C’est là évidemment un simple point de départ de négociations pour la Prusse, et comme de son côté la Suisse a un point de départ assez différent, les deux parties tarderaient sans doute à se rencontrer. Il y a donc un intervalle à combler, des divergences à faire disparaître, et l’esprit de conciliation peut seul y réussir ; il y réussira certainement. Déjà, dit-on, ce titre de prince de Neuchâtel et de Valengin, auquel tient le roi de Prusse, n’est plus une difficulté sérieuse. L’indemnité paraît être admise en principe ; seulement elle serait réduite à un chiffre mieux proportionné à ce que le roi de Prusse retirait réellement de sa petite souveraineté. Quant aux autres conditions, l’unique travail serait, à ce qu’il semble, de les débarrasser de tout ce qui paraîtrait mettre en doute l’indépendance et la souveraineté de la Suisse, désormais consacrées. Que la Prusse insiste pour avoir quelques compensations ou quelques garanties soit pour ses anciens adhérens, soit pour des fondations pieuses, cela n’a rien que de simple ; mais dès que la question est transportée sur ce terrain de détails, il est impossible que les plénipotentiaires réunis ne parviennent pas à trouver une transaction équitable, acceptable pour tous. La Prusse ne peut méconnaître que, par cela même qu’elle a remis la question, à l’arbitrage d’une conférence européenne, elle a implicitement reconnu une situation de fait qu’il ne s’agit plus que de régulariser en faisant honneur à des droits de souveraineté plus théoriques que réels. Qu’arriverait-il, si tout arrangement juste rencontrait quelque volonté rebelle ? Il arriverait certainement que les puissances européennes prendraient elles-mêmes l’initiative d’une proposition, et si cette proposition n’était point acceptée, elles se croiraient déliées des engagemens du protocole de Londres, de telle sorte qu’il ne resterait plus qu’un fait en faveur de la Suisse, un fait devenu irrévocable, on peut le dire, et déjà couvert par une longue prescription. Le résultat de ces négociations est impatiemment attendu en Suisse, cela se conçoit ; la Suisse cependant n’est pas moins intéressée à seconder la diplomatie dans son œuvre de conciliation, à accepter des sacrifices secondaires compatibles avec son indépendance ; elle y est intéressée, ne fût-ce que pour s’assurer jusqu’au bout les sympathies et l’appui de l’Europe. Au fond, si nous ne nous trompons, c’est une question désormais engagée en de tels termes, que ni la Prusse ne peut reculer devant une solution pacifique, ni la Suisse ne peut se refuser à des conditions propres à sauvegar-