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dant ! que peut vouloir dire ce mot à double sens ? Cela signifie-t-il que ces nouveaux membres se réservent le bénéfice de certaines infidélités possibles, et qu’il est des points de la politique sur lesquels ils ont leur manière de voir distincte de celle du gouvernement ? On voit que ce simple mot peut être menaçant ; qui pourrait dire en effet que les nouveaux élus n’useront pas de leur indépendance le jour où leur voix serait nécessaire à lord Palmerston ? Il ne serait point impossible que lord John Russell, qui, par privilège de position et de naissance, compte parmi les indépendans, saisît l’occasion de la réunion prochaine du parlement pour présenter quelque motion de réforme électorale fondée justement sur des faits relatifs aux dernières élections, et comme en présence du parti ministériel, quelque supérieur qu’il paraisse numériquement, il y a toujours une opposition considérable composée de conservateurs purs et de conservateurs libéraux, toute la question est de savoir quel peut être dans un cas donné le nombre de ces actes d’indépendance ou de ces infidélités dont nous parlions.

C’est toujours, on peut le remarquer, le même problème. Une chose peut faire la force de lord Palmerston, c’est la crainte de voir le parti radical gagner du terrain dans cette crise universelle de toutes les opinions de la vieille Angleterre. Dans son ensemble, ce dernier mouvement électoral anglais n’est point sans intérêt pour l’Europe à plus d’un titre. Il offre le spectacle public et instructif d’une épreuve des plus sérieuses pour les institutions libres. Si ce n’était qu’une crise ministérielle ou parlementaire, ce ne serait rien ; mais c’est la crise de toutes les opinions, de tous les partis, qui se sentent déclassés et qui aspirent à se recomposer. L’Angleterre opère en quelque sorte sur elle-même en plein jour, par le jeu naturel de ses institutions ; c’est ce qui donne à ce spectacle du travail intérieur d’un peuple un intérêt singulier, car c’est l’expérience prise sur le fait ides institutions libres, entendues et pratiquées par une race énergique. Sous un autre rapport, on ne peut se le dissimuler, les élections qui viennent de s’accomplir en Angleterre contenaient une grave question de politique extérieure. Il s’agissait de savoir non pas précisément si on continuerait la guerre contre la Chine, mais si la direction générale des affaires serait changée, si un nouveau gouvernement viendrait faire prévaloir un esprit différent dans le maniement des intérêts diplomatiques de l’Angleterre. Pour le moment, il n’en est rien, ou du moins cette modification, toujours possible sans doute, reste soumise aux chances imprévues des luttes qui pourront s’ouvrir dans le nouveau parlement.

Dans quel ordre de questions, au surplus, l’influence des grandes puissances, parmi lesquelles compte l’Angleterre, peut-elle s’exercer aujourd’hui ? En d’autres termes, quelles sont les affaires qui, de près ou de loin, se rattachent à la politique générale ? Il en est une tout d’abord, c’est celle de Neuchâtel. La conférence réunie à Paris n’a point encore achevé ses travaux ; les négociations continuent même à rester enveloppées d’un certain mystère. Peut-être cependant n’est-il point impossible d’arriver à se rendre compte des véritables termes dans lesquels la question se trouve maintenant posée, des difficultés plus épineuses qu’insolubles que la conférence peut avoir à surmonter pour ramener à une transaction définitive la Prusse et la Suisse. Selon toutes les versions, la Prusse aurait fait connaître les condi-