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À côté de cette grande et forte race des Aryas et des Iraniens apparaît, dès la plus haute antiquité, une autre race dont les conquêtes devaient être moins étendues et moins durables, mais dont les destinées n’ont guère été moins glorieuses : c’est la race sémitique ou syro-arabe. Cette race s’étendait des bords de l’Euphrate jusqu’aux rives de la Méditerranée et à l’extrémité de la péninsule arabique. Sa grande homogénéité ressort du lien étroit qui rattache les différens dialectes de sa langue. Ces dialectes, ce sont l’hébreu, l’arabe, le chaldéen, l’éthiopien, l’araméen. Par leur constitution, tous ces idiomes se distinguent nettement des langues indo-européennes ; ils n’en ont ni le système grammatical, ni les racines verbales. Dans les langues sémitiques, les racines sont presque toujours dissyllabiques, ou, pour parler comme les philologues, tributaires, c’est-à-dire formées de trois lettres, et ces lettres sont des consonnes, car un des traits les plus distinctifs des langues sémitiques, c’est que la voyelle ne constitue pas dans le mot le son fondamental. Les voyelles sont vagues, ou, autrement dit, elles n’ont point un son fixe, arrêté, distinct de la consonne ; elles s’insèrent, ou plutôt elles s’insinuent entre des articulations de consonnes fortes et âpres. Rien dans les langues sémitiques de cette loi d’harmonie des langues ougro-tartares ou dravidiennes, rien de cette sonorité du sanskrit, du grec et des langues néo-latines ; l’homme y parle par mots courts et plus ou moins saccadés. Le procédé de l’agglutination y règne encore, mais non pas aussi complètement que dans le basque. Il y a bien des flexions, mais ces flexions se font par l’intérieur des mots. Depuis la publication du beau travail de M. Ern. Renan sur l’histoire des langues sémitiques, nous connaissons parfaitement les phases par lesquelles ces langues ont passé ; elles ont eu aussi leur moule qu’elles n’ont pu briser, même en se modifiant. Le rabbinique, l’arabe littéral, en aspirant à devenir des langues plus analytiques que ne l’étaient le chaldéen ou l’hébreu, sont demeurés cependant emprisonnés dans les liens étroits d’une grammaire imparfaite.

Le domaine conquis par les idiomes sémitiques a été beaucoup plus limité que celui des langues indo-européennes ; leur berceau doit être cherché dans l’espace péninsulaire fermé au nord par les montagnes de l’Arménie, et à l’est par celles qui limitent le bassin du Tigre. En Asie, elles ne s’avancèrent point au-delà de la pointe méridionale de l’Arabie, où elles sont représentées par l’himyarite ; dans l’Afrique orientale, elles ne sortirent pas du bassin du Nil, et s’avancèrent simplement au nord, le long de la Méditerranée.

Les Sémites trouvèrent à leur arrivée en Afrique une population qui s’opposa à leurs conquêtes : c’étaient les Égyptiens, dont la langue, étrangère à leur famille, dénote l’existence d’une autre race. L’égyptien n’est point d’ailleurs