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villes avaient été brûlées par la main de leurs habitans pour enlever tout abri à nos soldats, dont la terre était demeurée stérile pour ne pas nourrir ses envahisseurs, il ne restait qu’un seul bien, mais celui-là suffisait à ce peuple héroïque, — la liberté du sol même.

Dans ce rapide aperçu de l’histoire financière de l’Espagne, qui en est aussi l’histoire politique, on devrait, ce me semble, distinguer deux périodes, dont l’une se terminerait avec la guerre de l’indépendance, dont l’autre commencerait avec la restauration du pouvoir absolu. De ces deux moitiés d’un récit dont la seconde n’est pas moins lamentable que la première, il pourrait sortir un double enseignement donné parle passé à l’avenir, car l’Espagne présente le plus triste, mais aussi le plus instructif spectacle des conséquences que peuvent avoir pour une nation la mauvaise politique extérieure et la mauvaise conduite de son gouvernement à l’intérieur. On vient de voir ce que l’une a coûté à l’Espagne, on va voir quelles charges l’autre lui a léguées.

Sans doute les événemens par lesquels le règne de Ferdinand VII s’est signalé sont présens à toutes les mémoires, et la nomenclature des expédiens financiers destinés à combler un déficit sans cesse renaissant n’offre pas un grand intérêt. Cependant il est bon, pour nous surtout qui l’avons quelquefois oublié, de montrer ce que gagne un peuple à posséder une dynastie vraiment nationale ; on ne saurait non plus mettre trop souvent sous les yeux du public les comptes des dépenses occasionnées par le règne des favoris et les caprices de l’absolutisme, ou par les excès révolutionnaires et les agitations sans cause et sans but. Les chiffres ont alors une éloquence irrésistible, et c’est à ce point de vue que je demande grâce pour les miens.

En reprenant possession, non-seulement de son trône, mais d’un pouvoir sans limites, Ferdinand VII parut d’abord animé de bonnes intentions, financièrement parlant ; mais si le court ministère de D. Martin Garay avait pu faire concevoir quelques espérances, le mouvement de 1820 ne manqua pas d’attester bientôt les excès du pouvoir royal et d’aggraver le poids des charges publiques. La dette reconnue par les cortès s’élevait à 14,361 millions de réaux, auxquels il fallut ajouter les 2 milliards des quatre emprunts nationaux contractés au dehors, et dont le quart à peine fut perçu par l’Espagne.

Après l’intervention française, Ferdinand déclara nulles toutes les obligations souscrites par les cortès, mais se reconnut débiteur de 278 millions envers le gouvernement étranger venu à son aide, et il n’eut lui-même d’autre ressource, pour satisfaire aux charges publiques, que des emprunts toujours renouvelés et de plus en plus onéreux. M. Aguado fut l’habile prêteur chargé de pourvoir presque exclusivement aux besoins du roi d’Espagne, qui, malgré ses faciles