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grand abus, Charles-Quint pour les besoins de sa politique impériale, Philippe II pour entretenir la guerre des Flandres. Aussi en 1625 voit-on l’intérêt des juros réduit à 5 pour 100 ; quelques prêts sont même déclarés nuls comme usuraires, des catégories politiques et religieuses sont, établies entre les prêteurs, les créanciers ecclésiastiques, bien entendu, demeurant les préférés. Enfin dans les dernières années du XVIIe siècle les intérêts des juros, qui s’élevaient à la somme de 64 millions de réaux pour un capital versé de 1,260 millions, ne sont plus acquittés, et les juros eux-mêmes se négocient avec une perte de 94 pour 100.

La maison de Bourbon à son avènement trouvait les finances espagnoles dans une triste situation ; elle l’aggrava encore, grâce aux difficultés soulevées par la guerre de succession. À la paix d’Utrecht, l’intérêt des juros fut abaissé de 5 à 3 pour 100, On déclara bien, il est vrai, que les 2 pour 100 retranchés serviraient à l’amortissement du capital ; mais au bout de quatre ans l’amortissement cessa, et la suppression d’intérêts n’en subsista pas moins. En ce moment et par suite de cette réduction, la rente payée pour la dette n’était que de 18 millions de réaux ; à la fin du règne de Philippe V, de nouveaux emprunts en avaient rehaussé le capital à 1,100 millions. Ferdinand VI remboursa 78 millions de réaux aux créanciers de l’état, et laissa à sa mort un encaisse de 300 millions de réaux. Charles III, surnommé à juste titre le bienfaisant pour la prospérité intérieure dont il dota l’Espagne, commença par réduire de 320 millions les dettes laissées par Philippe V. Plus tard, entraîné par la France à prendre parti contre l’Angleterre dans la guerre de l’indépendance américaine, il se vit réduit non-seulement à contracter de nouveaux emprunts, mais encore à recourir à la dangereuse mesure de la création du papier-monnaie. La première émission en fut faite en 1780, et se monta à la somme de 148 millions de réaux à 4 pour 100 d’intérêt, amortissables en vingt ans. Le total du papier créé par Charles III ne tarda pas à s’élever à 533 millions de réaux, et c’est sous son règne qu’eut lieu la première vente de biens ecclésiastiques, après l’expulsion des jésuites, et que fut imposée au clergé la première contribution sous le nom de subsidio ecclesiastico. Cette double mesure reçut la sanction papale.

Si l’alliance française venait de coûter cher à l’Espagne, l’alliance anglaise lui fut bientôt encore plus onéreuse. En effet, la paix une fois faite par Charles III, les fonds espagnols avaient encore été recherchés avec une prime de 1 ou 2 pour 100 ; mais lorsque la politique vacillante du débile Charles IV engagea son pays dans la ligue formée par l’Angleterre contre la révolution française, la situation du trésor espagnol empira au-delà de toute expression.