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les cuisses et les vertèbres inférieures de l’animal manifestent de violentes contractions. Galvani imagina que cet effet était produit par une espèce particulière d’électricité animale, et cette heureuse ignorance le conduisit à une découverte qui dans les mains habiles de Volta changea la face de la science, à peu près comme Christophe Colomb ne sut jamais qu’il avait découvert un nouveau monde, et qu’il n’était pas en Asie quand il était sur un continent nouveau, avec une erreur d’un peu plus de la moitié de la terre. Volta de Pavie, interprétant une expérience de Galvani, dont celui-ci n’avait pas saisi le sens, établit que deux métaux en contact s’électrisent, quoiqu’à la vérité bien faiblement, d’où il conclut que si l’on empilait l’un sur l’autre un grand nombre de couples métalliques, séparés par des pièces non métalliques, on augmenterait l’effet à volonté. Cette pile de doubles disques de métal (zinc et cuivre) dépassa l’attente de Volta. Comme cet appareil se rechargeait de lui-même, il présenta une efficacité prodigieuse. Il produisit de violentes commotions organiques sur les hommes et sur les animaux vivans ou récemment tués. Il décomposa chimiquement les corps ; il donna une chaleur supérieure à celle des fourneaux les plus actifs, et une lumière rivale de celle du soleil ; il mit en mouvement des ateliers mécaniques ; il produisit des dépôts solides par les procédés galvanoplastiques. Enfin, dans toutes les actions de la nature, soit mécaniques, soit physiques, soit chimiques, ou enfin physiologiques ou vitales, l’électricité de cette pile, qui n’existait pas avant 1794, régna sans qu’aucune force pût lui être comparée, et plus tard elle se chargea même de transmettre les dépêches télégraphiques. Ceux qui aiment à voir les grands hommes en déshabillé apprendront avec intérêt que Volta était le fléau de la conversation par ses interminables calembours. « Je m’en vais, disait le célèbre anatomiste Scarpa, de la même ville que Volta. Je ne résiste plus à cet insipide faiseur de jeux de mots ; a questo freddaio non più resisto. — Ah ! Scarpa, dit Volta en s’élançant sur ses pas, dites : Papa sisto, et non pas rè sisto (dites « le pape Sixte, » et non « le roi Sixte ! »). Et moi je dis qu’il est permis d’être un freddaio, un mauvais plaisant, quand on a doté la science et l’humanité de la pile de Volta, et qu’on a mérité une statue élevée au, centre de l’Europe par la civilisation reconnaissante.

Mais je n’ai pas encore fait connaître la propriété la plus merveilleuse de la pile de Volta : c’est que les fils où passe le courant électrique sont aimantés. J’en ai dit un mot seulement dans la première partie de cette étude. OErsted le Danois, en 1820, trouva qu’un fil qui transmettait l’électricité de la pile agissait sur l’aiguille aimantée