Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 8.djvu/843

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nos fastueux tabourets électriques à pieds de cristal, isolaient à peu de frais les gens destinés à être électrisés ; mais si ceux que supportait cette planche mal assujettie sur quatre fortes bouteilles se permettaient quelques mouvemens un peu trop vifs, l’échafaudage se renversait et se brisait. Celui qui était dessus s’en tirait comme il pouvait. D’autres fois, une planche suspendue par de forts cordons de soie recevait celui qui était destiné à être électrisé couché à plat-ventre, dans la posture la plus fatigante et la plus disgracieuse. Quand une personne ainsi électrisée touche du bout du doigt un petit vase plein d’esprit-de-vin, elle y met le feu par l’étincelle électrique, et on ne manquait jamais de faire l’expérience. Je fais grâce au lecteur des vers fades de l’abbé Delille sur l’expérience où une jeune personne électrisée distribue des étincelles. Le moins prétentieux est celui-ci :

La belle voit sans peur ces flammes sans courroux.


L’abbé Nollet, incarnation de la médiocrité, triomphait en France chez les bourgeois et à la cour, lorsqu’arriva de Leyde la fameuse expérience de la commotion nerveuse que donne l’appareil appelé bouteille de Leyde. Il ne s’agissait plus ici de simples étincelles piquantes, c’était une commotion presque foudroyante qui tuait les animaux, et sous plusieurs points de vue imitait la foudre céleste. Nollet à la cour de France et à celle de Turin fut réduit au rôle de démonstrateur de ce qu’il n’avait pas trouvé. Plus tard, quand Franklin eut soutiré la foudre des nuages par le moyen d’un cerf-volant à ficelle métallique, et que par ses paratonnerres il eut préservé les édifices publics et particuliers, l’abbé Nollet fit connaître encore une découverte étrangère. Toujours satisfait de lui-même, il démontra ce théorème, que j’ai souvent vérifié moi-même : à savoir qu’il serait plus facile de donner de l’esprit à un sot que de lui persuader qu’il en est dépourvu.

En attendant, la science marchait. Plus tard, Coulomb mesurait les forces électriques, et s’assurait qu’elles suivent la même loi que l’attraction, c’est-à-dire qu’elles agissent en raison inverse du carré des distances. Ainsi à une distance double la force de l’attraction électrique est deux fois deux fois ou quatre fois moindre ; à une distance triple, elle est trois fois trois fois ou neuf fois moindre, et ainsi de suite. Enfin Volta parut.

Si après avoir coupé une grenouille en deux on dépouille le train de derrière de sa peau comme pour faire du bouillon de grenouille pour un poitrinaire, on trouve que les membres postérieurs du batracien sont éminemment sensibles à l’action de l’électricité, et quand on tire une étincelle d’une machine électrique placée dans le voisinage,