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était jaloux de Néron. Ce colosse, dont j’ai raconté les vicissitudes, n’existe plus, mais deux statues au Vatican montrent Commode en chasseur, l’une à cheval, l’autre à pied. Commode était grand chasseur, surtout quand il s’agissait de ces chasses (venationes) qui avaient lieu dans l’amphithéâtre et où il excellait ; on l’y vit tuer des bêtes féroces, sans danger pourtant, car Dion, qui était présent, nous explique comment l’on avait jeté en travers du Colisée deux ponts couverts et formant une croix, d’où l’empereur pouvait facilement lancer ses traits des quatre côtés. La statue de Commode que l’on voit au Vatican, dans le Braccio nuovo, est très curieuse par le costume. Il tient à la main une lance, il a des espèces de bottes : tout cela est du chasseur ; enfin il porte la tunique à manches dont parle Dion Cassius, et qui était son costume d’amphithéâtre. Comme Néron, Commode passait sa vie au cirque et à l’amphithéâtre. Ce qui lui plaisait surtout, c’était le métier de gladiateur. Dans un roman de Walter Scott que tout le monde connaît, une jeune fille, faisant le portrait de ses cousins, dit : « Il y a dans tous du querelleur, du garde-chasse et du jockey ; mais Thornie a plus du querelleur, Dick du jockey, et Wilfred du garde-chasse. » De même Néron, Caligula, Commode, avaient tous du cocher et du gladiateur, mais Néron et Caligula plus du cocher, et Commode plus du gladiateur. Puis Néron voulait être acteur, musicien, poète ; Commode n’avait pas assez d’esprit pour s’élever si haut. Néron se faisait représenter en Apollon, Commode en Hercule. La différence de ces deux types, que choisissent les deux empereurs pour déifier leur image, est significative. Le premier rattache encore Néron, par ses prétentions les plus risibles, à une sorte de culte de l’intelligence ; le second n’indique plus d’autre culte que celui de la force brutale. Hercule, vainqueur du lion de Némée, était l’idéal dont Commode, qui triomphait sans péril des bêtes de l’amphithéâtre, était la caricature. Aussi, bien que son souvenir ne soit pas absent du Grand-Cirque, c’est surtout au Colisée qu’il faut l’aller chercher. Commode n’y égorgeait pas des hommes ; mais dans son palais, avec un rasoir, faisant mine de les raser, aux uns il coupait le nez, aux autres les oreilles.

Quant à ses exploits de l’amphithéâtre, nous en avons un récit très exact par un témoin oculaire, l’historien Dion Cassius : « Le premier jour, Commode, placé en lieu sûr, dépêcha à coups de traits cent ours ; les jours suivans, il descendit dans l’arène, et tua tout le bétail que l’on amena devant lui, et qui était exposé dans des filets ; de plus, un tigre, un hippopotame et un éléphant. » Probablement ils étaient aussi dans un filet. Après son dîner, Commode parut en gladiateur. Les combats dans lesquels il figura étaient simulés. Il ne