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Antonine et la faire abattre dans l’intérêt des fiacres qui stationnent sur cette place.

Quelques bas-reliefs, qu’on a placés dans l’escalier du palais des Conservateurs, sont, s’ils proviennent de cet arc de triomphe, tout ce qui a échappé à sa destruction ; mais cette provenance est douteuse, et j’incline à croire qu’Alexandre VII n’était pas homme à laisser subsister un débris du monument qu’il renversait. Quelle qu’en soit l’origine, ces bas-reliefs sont très remarquables : nulle part la sculpture, même sur l’arc de Trajan, ne se montre plus romaine ; nulle part elle ne porte mieux l’empreinte de la simplicité, de la gravité et de la majesté que dans les quatre tableaux sculptés placés en haut des premières marches de l’escalier des Conservateurs. Le premier, non dans l’ordre où on les a rangés, mais dans l’ordre véritable, représente Marc-Aurèle à cheval et faisant grâce sur le champ de bataille à des Barbares vaincus. Dans le second, une femme en habit de guerrière et qui tient un globe à la main, — on voit que ce ne peut être que Rome, — offre ce globe à l’empereur victorieux. Le troisième nous fait assister à son triomphe : il est debout sur son char, la Victoire le suit. Devant lui, un homme souffle dans un clairon, l’empereur va passer sous un arc de triomphe et s’achemine vers le Capitole. Dans le dernier des quatre bas-reliefs, il y est monté, et debout offre un sacrifice devant le temple aux trois portes consacré à Jupiter, à Junon et à Minerve. Les deux bas-reliefs qui sont au premier étage, moins beaux de style, se rapportent à l’apothéose de Faustine la Jeune. On la voit s’élever du bûcher vers le ciel, portée par une renommée. Le Champ de Mars, lieu de la scène, est figuré par un jeune homme, selon l’usage des anciens, qui personnifiaient ainsi les localités, une montagne, un fleuve, une grande route même, comme nous l’avons vu pour la voie Appienne dans un bas-relief emprunté par Constantin à l’arc de Trajan. Ici Marc-Aurèle, assis et la tête levée, semble suivre du regard l’infidèle épouse, qu’il avait perdue, sans le savoir, bien avant ce jour-là. Le trop confiant mari n’est pas encore détrompé.

En effet, son aveuglement fut grand à cet égard. Bien qu’il y ait quelque chose de touchant à se tromper sur ceux qu’on aime, quand cette illusion va aussi loin que celle de Marc-Aurèle au sujet de sa femme, elle touche au ridicule. Un noble sentiment lui faisait répondre, quand on le pressait de la répudier : « Alors il faut rendre la dot. » — La dot, c’était l’empire. Mais ne pas voir ce que tout le monde voyait, mais, quand les bouffons nommaient sur la scène les amans de Faustine, écrire une lettre pour la défendre et remercier les dieux de lui avoir donné une épouse si vertueuse, traiter ainsi celle que son biographe appelle uxor infamis, celle qui choisissait ses