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sa mort était près de sa colonne, comme celui de Trajan, et là où se trouve aujourd’hui le palais Chigi. De plus, on découvrit au XVIe siècle, non loin du temple voisin du Forum, une statue dédiée par la corporation des boulangers à Antonin le Pieux. Au reste, Antonin aussi bien que Marc-Aurèle fit accorder les honneurs divins à son épouse après l’avoir perdue, et lui éleva un temple. C’était pousser loin le pardon. Celui qui subsiste encore serait un monument de cette générosité peut-être un peu grande et qui achève de peindre la mansuétude d’Antonin. On aurait consacré ensuite à l’empereur lui-même, après sa mort, le temple érigé par lui à une épouse qui en était peu digne, et associé leurs noms sur l’entablement.

Ce temple est du reste un des mieux conservés. Les colonnes sont en place. La cella, dont on a fait une église, est intacte. On admire encore des deux côtés une frise ornée de griffons et de candélabres d’un magnifique travail. L’église s’appelle San-Lorenzo-in-Miranda. Ce mot Miranda exprime l’admiration naïve qu’inspiraient les débris de l’antiquité à ceux qui ont ainsi nommé l’église de San-Lorenzo.

Si des monumens consacrés à la mémoire d’Antonin le Pieux on passe à ses images, on n’éprouve point cet étonnement qu’inspirent d’abord les portraits de Trajan. Sa figure ressemble à son âme. On y reconnaît l’aspect imposant de sa personne, la noble expression de son visage (staturâ elevatâ decorus, formâ conspicuus, nobilis vultu), et, avec des traits qui n’ont rien de fort régulier, un air de dignité simple et de majestueuse douceur. Cette physionomie sied bien au caractère d’Antonin, que son biographe décrit ainsi : « Doux, libéral, probe, et tout cela avec mesure, sans vanité. » On lit sur son front la sérénité de sa vie et de sa mort, toutes deux d’un juste, car sa fin fut paisible comme son règne. Il s’endormit d’un doux sommeil après avoir donné pour mot d’ordre œquanimitas. Adrien n’avait ni vécu ni fini ainsi.

Les Romains durent croire à peine qu’ils changeaient d’empereur en passant d’Antonin le Pieux à Marc-Aurèle ; la même âme animait l’empire. Marc-Aurèle porta le nom de philosophe. C’était en effet un stoïcien sur le trône, et Antonin était un sage. Aussi les portraits de ces deux empereurs ont une certaine ressemblance : elle tient en partie à leur barbe, qu’ils portèrent longue l’un et l’autre à la manière des philosophes. Antonin le Pieux est plus beau ; mais Marc-Aurèle a une expression aussi marquée de gravité et de sérénité.

Il y a à Rome plusieurs bustes de Marc-Aurèle enfant d’une candeur charmante. On aime à voir l’excellent naturel que la philosophie doit développer se montrer déjà et s’épanouir sur ce jeune visage, qui a la grâce ingénue de la bonté ; on aime à y saluer par