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à mettre sur la même ligne qu’eux Adrien. On fait souvent de ces confusions, et on donne à un siècle le nom d’un homme sans y regarder de très près ; on a bien inventé le siècle de Léon X, qui régna neuf ans. Le prétendu siècle des Antonins ne fut pas si court ; mais sa durée est bien peu de chose encore dans celle de l’empire romain, et si cet âge d’or, comme on l’appelle, embrasse un espace de quarante-deux ans, l’âge de fer, qui l’a précédé et suivi, embrasse, sauf de rares interruptions, un espace de cinq siècles.

Du reste, il faut le reconnaître, et je suis le premier à le proclamer, il n’y a pas de figure plus noble et plus pure que celle d’Antonin le Pieux. Ce fut, sans aucune exagération, l’apparition inespérée, la rencontre invraisemblable de la perfection humaine sur le trône. On ne sait rien de lui qui ne prouve la vertu, la sagesse et la bonté. Irréprochable dans sa vie privée, ce qu’on ne peut dire de Trajan, empereur, il fut ce qu’il avait été simple particulier, modeste, honnête, désintéressé, modérant les impôts, épargnant les provinces, déférent envers le sénat, sévère pour les abus, facile à tous, législateur zélé, administrateur attentif, plus jaloux de protéger les frontières de l’empire que de les étendre, mais ne les reportant point en arrière comme Adrien. S’il ne fut pas guerrier lui-même, toutes les guerres entreprises par ses ordres furent heureuses, et il ne se fit point élever d’arc de triomphe, comme plusieurs de ses prédécesseurs qui n’avaient pas combattu davantage.

On voudrait avoir plus de détails sur un empereur si accompli. On n’en est que plus avide des souvenirs qui s’attachent aux lieux habités par lui, aux monumens qui peuvent le rappeler, aux portraits dans lesquels on le retrouve. La famille paternelle d’Antonin était originaire de Nîmes. Il est donc un peu notre compatriote. Il naquit à Lanuvium, où était la villa de son père. C’est aujourd’hui Cività-Lavigna, à quelques lieues de Rome ; ce nom, donné à Lanuvium par une confusion qui provient de la ressemblance des sons, a fait supposer que là était l’emplacement de la ville de Lavinia, fondée par Énée, et bien que Lanuvium soit assez avant dans l’intérieur des terres, on montre encore au voyageur l’anneau de fer auquel a été attaché le vaisseau d’Énée. La naissance d’Antonin est un souvenir plus véridique et plus touchant que le fabuleux débarquement d’Énée, impossible à Lanuvium ; Dans la petite ville moderne, bâtie en grande partie de débris, on trouve des ruines assez considérables qui peuvent avoir appartenu à la villa d’Antonin. Une trace intéressante et caractéristique de sa présence à Lanuvium est Ta belle statue de Zenon, le fondateur du stoïcisme, qui a été trouvée là et qu’on voit au Capitole.

Le voyageur, en venant à Rome de Cività-Vecchia, a le plaisir de