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gueur, et on attend de lui une décision, une habileté qui ont manqué à son prédécesseur. Au moment d’entrer au pouvoir, M. Buchanan avait déjà désigné ses ministres, et ses choix ont été approuvés par le sénat. Le général Cass, on le sait, est secrétaire d’état pour les affaires étrangères. Il y a ceci de particulier, que le général Cass, avait perdu dans les élections dernières son siège de sénateur. Quoique d’un âge avancé, il porte d’ailleurs vertement sa vieillesse. Parmi les autres membres du cabinet, quelques-uns sont connus comme ayant déjà figuré dans la vie publique. M. Howell Cobb, secrétaire du trésor, s’est fait remarquer par ses discours dans le parti démocrate ; il est depuis longtemps dans le congrès. M. Thompson, secrétaire de l’intérieur, a représenté le Mississipi dans plusieurs législatures. M. Isaac Toucey, secrétaire de la marine, a commencé autrefois sa carrière en soutenant avec chaleur le général Jackson de démocratique mémoire, et il a été, il y a quelques années, attorney-général ; mais l’importance de l’administration nouvelle est tout entière dans le président. C’est le 4 mars que M. Buchanan a pris possession de la Maison-Blanche à Washington, et le même jour il a inauguré sa présidence devant le congrès par un discours qui est une sorte de manifeste de sa politique. On ne peut nier que le manifeste de M. Buchanan ne soit très convenablement modéré. Le nouveau président s’applique bien plus à atténuer qu’à exagérer la portée des principes et des idées ou des passions qu’il représente. C’est tout simple, une fois au pouvoir il ne saurait parler comme il parlerait dans une réunion populaire, ou même comme il lui est arrivé de parler dans la conférence d’Ostende. Est-ce à dire que l’habile discours du nouveau président ne laisse pas apercevoir sur deux ou trois points toutes les vues et les dangereuses tendances du parti démocratique ? M. Buchanan manifeste les intentions les plus pacifiques et les plus conciliantes dans le maniement des affaires extérieures. Seulement comment comprend-il la politique extérieure ? On ne peut trop s’y méprendre : à ses yeux, tandis que d’autres nations se sont agrandies par l’épée, les États-Unis ont la gloire de n’avoir étendu leur domination et leur territoire que par voie d’achat loyal ou par voie d’annexion volontaire. Oui, même dans la guerre du Mexique et dans l’annexion du Texas, et quand M. Buchanan ajoute que les États-Unis n’ont point à poursuivre des acquisitions nouvelles, à moins que ces acquisitions ne soient sanctionnées par les lois de la justice et de l’honneur, il est impossible de ne pas se rappeler que, dans la conférence d’Ostende, l’acquisition de l’île de Cuba était rangée au nombre de celles que sanctionnaient toutes les lois divines et humaines. Comme on voit, la diplomatie de M. Buchanan est assez élastique et a une double face : elle présente une face pacifique à l’Europe, et en même temps elle réserve bien des éventualités qui peuvent rendre aux États-Unis la pleine liberté de leur ambition.

Quant à la politique intérieure, M. Buchanan ne dissimule pas sa pensée sur la plus grave et la plus dangereuse question qui s’agite aux États-Unis, celle de l’esclavage. Selon lui, l’esclavage, d’après la constitution même, est hors de la portée de tout pouvoir humain, sauf celui des états chez lesquels il existe : c’est un fait légal, reconnu, consacré. Les territoires qui aspirent à devenir des états sont absolument maîtres de maintenir l’esclavage en dehors de toute prescription contraire ; mais en même temps le nouveau président proteste contre toute tendance de division et de séparation entre le