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et il s’établissait bientôt publiquement un dialogue assez singulier entre le banquier parisien, qui se targuait de sa mission, et le gouvernement portugais, qui déclinait la solidarité du choix personnel du ministre des finances. Pour cette cause ou pour d’autres, M. Loureiro a fini par donner sa démission, et il a été imité par plusieurs de ses collègues, d’autant plus portés à le suivre dans sa retraite que les discussions des chambres à propos de l’adresse, sans offrir un caractère d’hostilité, ne promettaient point décidément un appui très invariable et très efficace. Or ici a commencé pour le roi une série d’embarras d’un autre genre. Comment reconstruire le ministère à demi décomposé, ou comment former un nouveau cabinet ? Dans la chambre des pairs, les opinions conservatrices déminent, tandis que la majorité de la chambre des députés est, à tout prendre, libérale ou progressiste. Si le roi se tournait vers l’ancien parti chartiste, il trouvait le comte de Thomar, qui a, il est vrai, une assez grande influence parmi les pairs, mais qui est peu en faveur dans l’opinion, et qui serait immédiatement assailli par la majorité de la chambre des députés. Dom Pedro avait la ressource de s’adresser encore au duc de Saldanha et à ses anciens collègues ; seulement le jeune souverain portugais répugne peut-être secrètement à subir la tutelle du vieux maréchal, et dans tous les cas il n’eût point consenti vraisemblablement à rappeler au ministère des finances M. Fontes Pereira de Mello, qui n’a pas toujours ménagé certaines susceptibilités royales, et qui a mis un peu de morgue dans l’exercice du pouvoir. Le jeune roi a usé de tempéramens à travers toutes ces difficultés. Il a fait d’abord appel à son ministre à Londres, le comte de Lavradio, homme considérable et considéré en Portugal ; mais le comte de Lavradio, après avoir tardé à se rendre à Lisbonne, a fini par ne point accepter le pouvoir lui-même, et de cette longue crise de trois mois vient de sortir, après bien des essais, un ministère, sinon entièrement nouveau, du moins considérablement modifié. Le marquis de Loulé reste le président du cabinet, et à côté de lui entrent au pouvoir MM. Antonio José d’Avila, ministre des finances, Carlos Bento, ministre des travaux publics, Ferrer, ministre de la justice. M. d’Avila a été déjà au ministère avec le comte de Thomar ; M. Carlos Bento est aussi du parti conservateur ; M. Ferrer est un professeur de l’université de Coïmbre, jusqu’ici peu mêlé à la politique. Voilà donc un ministère reconstitué à Lisbonne. Déjà M. d’Avila, interpellé dans les chambres, a annoncé de sérieuses réformes économiques, et a promis de donner une grande impulsion aux travaux publics. C’est là en effet la préoccupation qui domine aujourd’hui en Portugal comme en bien d’autres pays, mais il reste à savoir si le nouveau cabinet aura assez d’ascendant politique pour se créer une majorité dans le parlement, pour la diriger et l’associer à ses vues.

Les États-Unis viennent de passer définitivement sous une administration nouvelle. Le président nommé, M. Buchanan, est aujourd’hui le chef effectif du gouvernement à Washington. Le pouvoir compte pour si peu comme institution aux États-Unis, l’habitude de se gouverner par soi-même est si bien enracinée dans la grande république du Nouveau-Monde, que de tels changemens peuvent aisément s’accomplir sans commotion et par une sorte de transition inaperçue. L’avènement de M. Buchanan ne laisse pas néanmoins d’avoir une certaine importance. Le nouveau président représente le parti démocrate, comme M. Pierce, mais il représente les mêmes principes avec plus de vi-