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peint le plaisir qu’éprouve un jeune héros à contempler le spectacle d’un champ de bataille. C’est un morceau de bravoure rempli de fioritures d’une exécution pénible et d’un goût équivoque. Le second mouvement, en sol majeur, reproduit une des deux phrases de l’ouverture, celle confiée à la clarinette. C’est un chant plein de sentiment et d’énergie tout à fait dans la manière de Weber et qui rappelle le Freyschütz. La troisième partie ramène la tonalité primitive de mi majeur, et exprime fort bien l’enthousiasme chevaleresque du personnage de Huon. Pour chanter cet air ainsi que toute la partie de Huon, il faut posséder une voix étendue, aussi souple que vigoureuse. Le finale du premier acte, dont la scène se passe à Bagdad, s’ouvre par un air que chante Rezia invoquant le secours du chevalier Huon. Le motif de cet air a déjà été entendu dans l’ouverture, et il est mieux écrit pour la voix que celui de ténor dont nous avons parlé ; il se termine par un duo charmant entre Rezia et sa confidente Fatime, qui vient annoncer à sa maîtresse l’arrivée du chevalier Huon à Bagdad. La marche nocturne des gardes du sérail, qu’un petit orchestre fait entendre derrière les coulisses, est d’une instrumentation originale. Le motif de cette marche n’est pas de Weber, il l’a puisé dans le Voyage en Arabie de Niebuhr, comme il a pris la principale idée de son ouverture de Preciosa d’une vieille romance espagnole. Ce procédé est un des traits caractéristiques du génie de Weber. Préoccupé avant tout de donner à chaque situation la couleur qui lui est propre, il se plaisait à étudier, les chants populaires, il en recueillait pieusement les accens. Sa musique de piano est remplie de motifs pris à des sources différentes, et nous prouverons un jour que dans son admirable légende qu’on appelle le Freyschütz, il se trouve un grand nombre de tournures mélodiques appartenant à des chants populaires de la Bohême, où Weber a passé plusieurs années ; ce qui ne diminue en rien la part de gloire qui revient à ce grand musicien, car il n’y a que des amateurs ou des épilogueurs sans esprit qui peuvent s’exagérer l’importance de pareils emprunts. Haydn, Mozart, Beethoven surtout, Rossini, Meyerbeer et en général tous les compositeurs dramatiques ont souvent intercalé dans une scène importante un motif populaire pour donner du relief à une situation. Le psaume de Luther dans les Huguenots, le ranz des vaches dans Guillaume Tell, ne prouvent qu’en faveur de deux grands musiciens qui ont eu la pensée de ramasser la pierre brute qu’ils ont enchâssée dans leur chef-d’œuvre.

Sur la marche des gardes du sérail s’établit un chœur à trois parties qui encadre des vocalises brillantes par lesquelles Rezia exprime le ravissement qu’elle éprouve à l’approche de son vainqueur.

Le second acte, dont la scène se passe à la cour du calife Haroun-al-Raschid, s’ouvre par, un chœur des gardiens du sérail, dans lequel Weber a voulu évidemment imiter l’emportement sauvage des adorateurs de Mahomet. Ce chœur, — Gloire, gloire au chef des croyans, — d’un rhythme vigoureux, nous rappelle celui des Ruines d’Athènes, de Beethoven, qu’il est loin de valoir. L’ariette que chante ensuite Fatime, — Enfant de l’Arabie, — est charmante et forme une heureuse transition entre le chœur que nous avons cité et le quatuor qui suit. L’un des morceaux les plus agréables et les mieux écrits pour la voix que Weber ait composé. Ce quatuor vraiment classique, pour