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On comprend que de tels excès de sévérité aient suscité à l’église officielle de nombreux ennemis. Si les chrétiens de Suède doivent encore être l’objet de nouvelles poursuites, il est certain que beaucoup se trouveront prêts à tout sacrifier pour la défense de leur foi.

Malgré l’église établie, et sous la pression d’une exigence devenue générale, le roi Oscar a présenté une proposition en faveur de la liberté de conscience à la diète du royaume. Pendant qu’on en préparait la rédaction, deux pétitions, couvertes d’environ quinze cents signatures, furent adressées au roi pour demander que l’article 16 de la constitution, relatif à la liberté religieuse, ne fût plus neutralisé par l’existence des lois pénales qui dénient à l’homme le droit de servir Dieu selon sa conscience. Sous ce rapport, la position du roi est fort singulière assurément. Comme souverain de la Norvège, il doit veiller au maintien de lois qui consacrent la plus entière liberté religieuse, et, comme roi de Suède, il doit faire appliquer d’autres lois d’une intolérance révoltante. L’intention du roi avait été, dit-on, de présenter aux états le projet d’une liberté religieuse complète. On assure qu’il en a été détourné par l’archevêque, par les deux évêques « les plus libéraux, » et par la crainte d’une insurmontable opposition dans la chambre ecclésiastique.

Voici maintenant les principales dispositions de la proposition royale.


« Art. 1er. Si quelque membre de l’église abandonne « notre véritable foi évangélique » (luthérienne) sans que son pasteur naturel parvienne à l’y ramener, il doit en faire la déclaration à ce dernier, qui la transcrit sur les registres de la paroisse ; sinon, il est tenu de se soumettre à la loi ecclésiastique.

« Art. 2. Si quelque membre d’une autre confession religieuse expose, hors du cercle de sa communauté, des idées contraires « aux vérités fondamentales de la doctrine chrétienne » (luthérienne), il peut être condamné à l’amende ou à la prison ; mais il ne saurait être traduit devant le tribunal que par le procureur général du roi[1].

« Art. 3. Quiconque fait acte de prosélytisme peut être condamné à payer une amende de 134 à 400 francs à la première accusation, et s’il continue, à subir de deux mois à une année de prison.

« Art. 4. Les enfans nés luthériens doivent, même dans le cas où leurs parens auraient abandonné la foi de l’église établie, être instruits « dans la pure doctrine évangélique de cette église. » Si quelque tuteur ou parent, chargé de surveiller l’instruction religieuse d’un enfant luthérien, lui communique d’autres croyances que celles que le symbole a consacrées, il encourt les peines portées par l’article 3.

  1. Ces deux dispositions peuvent se résumer en deux mots : la loi interdit le prosélytisme sans punir le prosélyte.