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pour se plaindre au roi de la conduite des tribunaux et des pasteurs à leur égard. Ils se déclaraient aussi très mécontens de la liturgie et du nouveau recueil de psaumes, qui ne leur paraissait pas revêtir un caractère assez biblique. M. Henschen[1], notaire public, le même qui, en l’absence d’avocats légalement institués en Suède, prit plus d’une fois devant les tribunaux la défense des chrétiens poursuivis pour délits religieux, — apprit le prochain départ des paysans d’Helsingland. Il parvint à calmer leur irritation. On les manda devant le consistoire pour qu’ils rendissent compte de leurs croyances ; mais M. Henschen ayant pris soin de rédiger leur profession religieuse, on ne put les accuser du délit d’hérésie. Les disciples de Janson se virent néanmoins de plus en plus persécutés. Animés d’un enthousiasme fanatique[2], ils poussèrent bientôt à ses dernières conséquences la doctrine de la sainteté, en s’autorisant de quelques passages de la première épître de saint Jean[3], et ne reconnurent pour chrétien que celui qui ne pèche plus. Leur imagination s’exaltant à mesure qu’on les poursuivait, ils s’attachaient à leurs croyances comme le lierre au tronc qu’il embrasse ; rien ne leur paraissait plus sacré qu’un dogme pour lequel ils avaient tant souffert. Ils ne se voyaient pas seulement exposés aux poursuites des tribunaux et des pasteurs de la province ; le peuple, soulevé contre eux par le langage des journaux, attaquait avec rage les réunions religieuses. On enivrait des hommes grossiers, qui, s’armant de gros bâtons, entraient dans les lieux ou les séparatistes étaient réunis, et les frappaient jusqu’au sang. Un grand nombre des disciples de Janson furent mis en prison, et bien que la loi ne permette pas de priver plus de trois semaines quelqu’un de sa liberté sans l’appeler devant le juge, plusieurs personnes languirent un temps considérable dans les cachots avant qu’on songeât à examiner leur conduite : il en est même qu’on libéra sans jugement. Les persécutions qu’on exerçait contre les disciples de Janson se multiplièrent à tel point que leur avocat fut appelé à plaider vingt fois leur cause devant les tribunaux, et que, ne voyant aucun terme à leurs souffrances, il finit par leur donner le conseil d’émigrer. L’un des frères Olson fit alors une tentative pour parvenir jusqu’au roi ; mais il eut bientôt lieu de se convaincre que les disciples de Janson ne pouvaient espérer aucun adoucissement aux rigueurs de la persécution dont ils se voyaient les objets. Aussi prirent-ils enfin la douloureuse résolution d’abandonner leur patrie. Avant d’être victimes de semblables violences, rien ne leur suggérait

  1. Aujourd’hui député et magistrat à Upsal.
  2. Après avoir, au début, vénéré les écrits de Luther, ils en avaient fait une sorte d’auto-da-fé.
  3. Saint Jean, ch. III, V. 6, 8,9 ; ch. V, v. 18, etc.