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réforme, mais leur voix n’est guère entendue, et en somme, au point de vue de l’organisation intérieure, l’église suédoise est un corps officiel étroitement lié à l’état. Si l’on se place maintenant dans un autre ordre d’idées, si l’on observe l’église non plus dans les détails de son administration intérieure, mais dans ses rapports avec la nation, soit comme partie du corps législatif, soit comme corps enseignant, c’est encore ce même caractère de dépendance, d’immobilité officielle, qu’on est forcé de constater.

La chambre du clergé ou état des prêtres (prest-stand) forme une des assemblées dont se compose la représentation nationale. C’est assez dire que cette chambre est un corps politique et gouvernemental bien plus qu’un corps religieux, et qu’elle se préoccupe nécessairement beaucoup moins des intérêts spirituels que du rôle officiel de l’église. Elle se compose de l’archevêque d’Upsal, de onze évêques, du pastor primarius de Stockholm, et de quatre ou cinq pasteurs de chaque évêché, choisis par leurs collègues. Les co-ministres ont le droit de s’y faire représenter ; mais, l’exercice de ce droit entraînant une dépense qu’ils sont hors d’état de supporter, l’avantage que leur confère la loi est au fond illusoire. L’église, le corps des croyans pour mieux dire, n’a donc guère de représentans dans les assemblées où ses destinées se décident ; aussi les questions religieuses y sont-elles traitées à un point de vue essentiellement politique. En réalité, l’église suédoise n’a d’autre représentation que le corps législatif lui-même, savoir les quatre ordres de la diète, la chambre des nobles, la chambre du clergé, la chambre des bourgeois et celle des paysans. Voilà quels sont, avec le roi, les vrais pères de cette église, ceux qui règlent les conditions de son existence, et qui marquent le degré de zèle auquel il lui est permis de s’élever. Les livres symboliques[1] restent sans doute hors des atteintes du pouvoir politique ; mais, ce point excepté, l’église en dépend tout entière.

Oublions un moment les rapports de l’église suédoise avec l’état, et recherchons quel est l’esprit qui l’anime vis-à-vis de la société. La préoccupation dominante des membres de l’église établie, c’est de contraindre toutes les consciences à marcher dans leur voie, à partager leurs chaînes. Tout individu né de parens luthériens doit donc se faire instruire dans la foi établie, et l’infidélité à cette croyance est

  1. On appelle livres symboliques les documens qui, comme la confession d’Augsbourg et l’apologie de cette confession, fixent les dogmes luthériens avec la foi de l’église établie.