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y fait moins de dégâts. On peut donc appliquer là un appareil à fracture ; on doit le faire, car on ne court pas de risques ; si l’on échoue, il est toujours temps de recourir à l’amputation.

Pour les membres supérieurs, on peut éviter très souvent l’amputation et les conserver, non-seulement par les ablations d’esquilles, mais encore par les résections, procédé opératoire qui donne les plus admirables résultats. Ces résections, je les avais souvent pratiquées sur les champs de bataille, ou conseillées et expliquées dans des livres ou dans l’enseignement oral. C’est avec une vive satisfaction que j’ai vu les chirurgiens de Crimée, devenus sobres d’amputations, faire des résections toutes les fois qu’ils pouvaient, au lieu d’emporter le bras en entier. Les résections s’appliquent aux angles saillans des fractures survenues dans le corps des os longs ou à leurs extrémités articulaires. Il faut conserver le plus scrupuleusement possible le périoste, c’est-à-dire la membrane qui enveloppe les os ; M. Flourens a démontré que cette membrane, qui sécrète le tissu osseux, le régénère, si elle reste en place. Le vrai triomphe de la résection, c’est quand on la pratique sur la tête de l’humérus. Un officier supérieur, M. Bertier, qui a subi cette opération, est aujourd’hui colonel du 86e régiment, et se sert fort bien de son bras opéré, quoiqu’il soit un peu plus court que l’autre. Un sergent-major, à qui j’avais fait il y a vingt-trois ans la même opération en Algérie, M. Plombin, est actuellement colonel du 1er régiment. Grâce à la résection, une fracture isolée du cubitus ou du radius n’entraîne plus nécessairement la perte du membre ; il m’est arrivé d’enlever avec succès un de ces deux os presque entier. Les cas même où ils se trouvent fracturés simultanément ne sont pas toujours, à moins de complications graves, des cas d’amputation. On peut en dire autant des fractures du corps de l’humérus. Les résections ont l’avantage non-seulement de sauver le membre, mais d’être suivies de guérisons plus certaines. Observons de notre mieux les règles de la chirurgie conservatrice. C’est surtout pour les fractures de la main qu’il importe de se bien pénétrer de ce précepte et de l’appliquer dans toute sa rigueur. Il ne faut jamais oublier qu’un tronçon informe de doigt peut encore être fort utile. Il y a huit ans, en juin 1848, on m’amena un capitaine pour être amputé au poignet droit par suite d’un coup de feu. Je réussis non-seulement à éviter l’amputation, mais à conserver le petit doigt, la moitié de l’index et le pouce. Cet officier peut encore tenir son sabre, et il a continué à servir. Je l’ai rencontré en Crimée colonel d’un régiment ; pour se faire reconnaître de moi, il m’a montré sa main.

On ne peut pratiquer aussi souvent les résections sur les membres inférieurs, surtout en temps de guerre, quand les blessés sont exposés à des transports longs et pénibles. Organe de support, le