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Doit-on confier aux seuls efforts éliminatoires de la suppuration, comme on le conseille encore de nos jours, le soin d’expulser les esquilles ? Les échecs en ce genre sont si fréquens, qu’il est évidemment préférable de les enlever toutes le plus vite possible, qu’elles soient ou non adhérentes, afin de simplifier la plaie. Une plaie simple guérit régulièrement sans faire naître dans le cours du traitement une foule de complications fort douloureuses qui mettent à chaque instant en danger la vie du blessé. Lisfranc disait qu’il fallait faire une guerre de partisan à ces complications, c’est-à-dire les combattre le bistouri à la main. Mieux vaut encore prévenir ces luttes en retirant immédiatement les esquilles. La conservation des esquilles amène des suppurations intarissables, des souffrances presque continues, avec exacerbation à chaque élimination d’une pièce osseuse, qui épuisent la force vitale et que suivent le marasme, la résorption purulente, la diarrhée colliquative, la mort.

Au contraire, quand la plaie renferme non pas un éclat osseux, mais une balle ronde non déformée, et que le chirurgien n’en retrouve pas tout d’abord la trace, il fera plus sagement de ne pas multiplier les recherches et d’épargner des souffrances au malade. La présence d’une balle provoque moins d’irritation que les angles aigus d’une esquille ; d’autre part, en raison de sa pesanteur, la balle finit par se rapprocher de la périphérie des membres, où il devient plus aisé de l’atteindre.

Si l’extraction des balles est souvent une opération difficile, c’est que, traversant des tissus dont la densité et par conséquent la résistance varie, le projectile s’écarte de son premier chemin. Une balle tombée obliquement sur une côte ne pénètre pas toujours dans la poitrine ; elle peut rouler en cercle à la surface de cet arc osseux, sur lequel elle est retenue par la puissance élastique de la peau, qui neutralise sa force centrifuge. Quand la balle pénètre dans les tissus, elle les déchire par refoulement à la manière d’un coin. Arrivée à la fin de sa course, elle rencontre souvent dans la peau une résistance qu’elle ne peut vaincre, et elle reste sous l’enveloppe cutanée. En ce cas, on la saisit entre le pouce et l’index de la main gauche, et l’on incise la peau sur elle autant qu’il est nécessaire pour que, pressée par les doigts d’arrière en avant, elle s’échappe au dehors. Souvent elle résiste ; alors il est inutile d’agrandir l’incision ; il faut chercher la cause qui la retient. L’obstacle est dû à la présence d’une lamelle celluleuse, mince et transparente, dont les projectiles se coiffent par leur action de refoulement a la fin de leur course. C’est comme un petit sac ; il suffit de l’ouvrir, et le plomb en sort aisément.

J’ai pu démontrer ce fait d’une manière péremptoire, et j’ai appelé