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forcé de laisser en arrière les caissons d’ambulance, et de partir avec un certain nombre de cacolets ou de litières pour rapporter les malades et les blessés.

Au début de la guerre, les ambulances divisionnaires étaient sous tentes. Les baraques arrivèrent plus tard et devinrent de plus en plus nombreuses. À la fin de 1855, elles pouvaient loger 4 ou 5,000 malades. À la même époque, le ministre de la guerre envoya 6,000 matelas neufs, une énorme quantité de couvertures, au-delà même des besoins, et un matériel considérable. Il n’était pas facile d’entretenir tout cela, les choses s’usant vite en campagne ; à chaque instant, des difficultés imprévues arrêtent les meilleures intentions. Ainsi pendant la période rigoureuse de l’hiver 1855-56 il a été impossible de faire blanchir convenablement les draps de lit. Pour diminuer la grande consommation du linge à pansement, on voulait le faire laver de façon qu’il servît de nouveau, mais il n’y avait pas de buanderie. Il fallait le brûler pour préserver l’hôpital des émanations putrides qu’il répandait. Le chirurgien en campagne doit ménager la charpie et les compresses de toile, devenues chaque jour plus difficiles à renouveler à mesure que le coton est d’un emploi plus général et se substitue au fil de lin et au chanvre. Le coton cardé accrut nos ressources. Une compresse de ouate entretient une chaleur douce et uniforme ; c’est un excellent mode de pansement qu’il est bon de recommander. Il est vrai que la ouate n’est pas absorbante, mais on obvie à cet inconvénient en plaçant entre la ouate et la plaie quelques brins de charpie.

Le régime alimentaire des ambulances divisionnaires était en principe celui des hôpitaux de France, sauf quelques modifications fortuites nécessitées par des faits imprévus. Le bouillon n’a jamais manqué. Outre la viande et les légumes, les ambulances recevaient des pâtes féculentes, des œufs, des pruneaux, des confitures, du chocolat et du vin. Elles ont même été pourvues de boîtes de lait conservé. Ce lait a la consistance du beurre ; il suffit de l’étendre dans un volume d’eau trois ou quatre fois plus grand ; il conserve ses qualités, même s’il reste exposé à l’air pendant quelques jours. Les médecins ont pu quelquefois distribuer du vin de Bordeaux provenant de dons nationaux.

On comprend que ces ambulances ont dû plusieurs fois se déplacer dans le cours de la guerre. Voici l’histoire de l’ambulance de la troisième division du deuxième corps. Parcelle-là, on pourra juger des autres.

Le 20 septembre, à l’Aima, cette ambulance se scinde en deux parties. L’une s’établit sur le champ de bataille ; l’autre suit la division. Quatre cents blessés, dont cent Russes, pansés dans la nuit,