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sous baraques. Celle du parc d’artillerie du grand quartier-général ne laissait rien à désirer ; le service y était habilement dirigé. À l’entour s’étendait un jardin, dont les légumes, exclusivement réservés aux malades, amélioraient et variaient leur régime alimentaire. Aussi cette infirmerie a-t-elle envoyé peu de malades aux ambulances et aux hôpitaux.

Les recrues arrivées pendant l’automne de 1855 allaient supporter à la fois un climat nouveau, un nouveau genre de vie, un hiver rigoureux ; il était à craindre qu’elles ne fournissent de nombreux hôtes à nos établissemens hospitaliers. Dans cette triste prévision, le maréchal Pélissier fit donner à chaque régiment deux baraques pour ses infirmeries. J’aurais voulu aussi que, pour prévenir l’encombrement, on prit une grande mesure, celle d’envoyer à Constantinople 15,000 soldats malingres, trop accessibles aux maladies, qui auraient passé là un hiver doux, dans de bonnes conditions de bien-être. Il ne fut pas possible d’accéder à ma proposition. Du moins la réorganisation sous baraques des infirmeries, à 40 places par corps, donna à l’armée de nouveaux abris pour 2,400 malades.

L’installation intérieure variait selon les régimens. Beaucoup de baraques étaient calfeutrées et bien closes, mais d’autres étaient percées à jour ; les jointures des planches laissaient entrer la pluie, et, en dépit d’un poêle toujours allumé, le froid restait vif et intense. On accusait le corps du génie, comme s’il pouvait tout faire. Il avait monté les baraques, fermé les jointures avec de la volige ; si la sécheresse faisait disjoindre le bois, c’était, ce semble, l’occupant qui devait y remédier. Dans quelques infirmeries, les malades avaient pour lit une forte toile tendue sur un cadre de bois, ou des claies de branchages couvertes de petites paillasses ; dans toutes les autres, ils étaient réduits à la planche malpropre du lit de camp. La plupart des baraques étaient badigeonnées intérieurement à la chaux et désinfectées par des chlorures. Ces moyens de salubrité étaient quelquefois négligés. Le régime alimentaire présentait les mêmes irrégularités. Dans telle infirmerie, une légère retenue sur les fonds du travail rétribué permettait d’améliorer et de varier la nourriture ; dans telle autre, rien n’était changé au régime ordinaire du soldat ; les modifications ne portaient guère que sur des réductions de ration. Ce qui manquait surtout, c’était la propreté. Une pareille indifférence est incompréhensible. Comment ! il y avait dans chaque infirmerie quinze ou vingt hommes éclopés, ennuyés, désœuvrés, et on ne savait même pas les occuper à nettoyer leur logement ! Et on tolérait des négligences qui compromettaient la santé des malades ! Ne serait-il pas possible de mettre plus d’ordre dans le service hospitalier, et, tout en laissant une large part à la sollicitude