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échangea encore quelques mots sur la révolution de Chine ; puis le gouverneur d’Uraga, Yezaïmen, déclara que l’objet de la conférence était rempli, et que l’on n’avait rien de plus à se dire. Le commodore se disposa à prendre congé des princes, qui se levèrent, saluèrent, et restèrent debout pendant que les Américains se retiraient.

Telle fut cette entrevue, qui dans l’histoire marquera le point de départ des relations diplomatiques ouvertes entre le Japon et l’étranger. Tout s’était passé suivant le programme préparé par Yezaïmen. Les princes n’étaient chargés que de recevoir les dépêches adressées à l’empereur ; ils n’eurent garde d’excéder leurs pouvoirs. Pendant la conférence, ils ne jugèrent pas à propos de desserrer une seule fois les lèvres ; ils laissèrent au gouverneur d’Uraga et aux interprètes le soin de soutenir le dialogue, et encore avons-nous vu que le dialogue n’était ni vif ni animé. Peut-être trouvera-t-on que ce rôle de personnages muets, qu’ils soutinrent jusqu’au bout avec un flegme imperturbable, était quelque peu dédaigneux pour le commodore. Pas un mot, pas même une tasse de thé ! Les diplomates chinois, dans leurs premiers rapports avec les envoyés européens, s’étaient montrés plus communicatifs et plus familiers. Il y avait évidemment dans l’attitude plus que réservée des plénipotentiaires japonais un parti-pris qui révélait de la part de la cour de Yédo des dispositions peu favorables pour des négociations. Quant au commodore, il parut ne point s’étonner ni s’émouvoir de cette attitude ; il avait obtenu une conférence avec tous les honneurs dus à son rang ; il avait remis ses dépêches et s’était fidèlement acquitté de sa commission. Il n’exigeait pour le moment rien de plus, mais il devait revenir au printemps, et il comptait bien qu’alors, ses canons aidant au besoin, la glace serait rompue.

Nous ne reproduirons pas ici la lettre écrite à l’empereur du Japon par le président des États-Unis, ce document ayant été déjà publié[1] ; nous préférons donner la traduction des lettres que le commodore Perry adressa lui-même à l’empereur, et qu’il remit dans l’entrevue du 14 juillet. La première de ces lettres n’est d’ailleurs que la paraphrase de la dépêche du président Fillmore.

Le commodore Perry à l’empereur.

À bord de la frégate à vapeur Sutsquehannah, en vue de la côte du Japon, 7 juillet 1853.

« Le soussigné, commandant en chef de toutes les forces navales des États-Unis d’Amérique en station dans les mers des Indes, de la Chine et du Japon, a été chargé par son gouvernement d’une mission amicale, et il est muni de pleins pouvoirs pour ouvrir des négociations avec le gouvernement, japonais

  1. Voyez l’Annuaire des Deux Mondes de 1851-52, p. 941 et 942.