Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 8.djvu/507

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À défaut des Hollandais, qui, dans la crainte de compromettre leur monopole, ne pouvaient guère intervenir vigoureusement en faveur des nations occidentales, c’était aux États-Unis qu’il appartenait de frapper le premier coup. Ils expédient chaque année dans le nord de l’Océan-Pacifique un grand nombre de navires baleinière ; leur commerce et leur navigation ont pris dans ces parages un grand essor, depuis surtout que leur immense territoire, successivement peuplé de l’est à l’ouest, s’est prolongé jusqu’à la mer par la conquête de la Californie et fait face à l’archipel japonais. L’Angleterre s’était chargée de la Chine ; les États-Unis devaient naturellement, sous la pression de leur intérêt commercial, tenter au Japon la même aventure. S’ils n’ont point tout à fait réussi, on est forcé de reconnaître qu’ils ont obtenu, pour leur début, un résultat considérable. Leur ambassadeur a été admis en présence de diplomates japonais, expressément délégués pour le recevoir au nom de l’empereur ; il a conclu un traité en bonne et due forme, traité dont on peut contester l’utilité immédiate au point de vue des relations commerciales, mais qui n’en constitue pas moins un acte diplomatique très régulier, destiné à rattacher le Japon par les liens d’un contrat sérieux à la grande famille des peuples. Les États-Unis se montrent très fiers, et ils en ont le droit, de cette entreprise, qui offrait de graves difficultés et pouvait en cas d’échec les placer vis-à-vis de l’Europe, comme vis-à-vis du Japon, dans une situation embarrassante, sinon périlleuse.

Le journal de la mission confiée au commodore Perry a été récemment publié par ordre du sénat américain ; on y trouve le récit détaillé des négociations engagées avec les autorités japonaises. Indépendamment de la publication officielle, on peut consulter les impressions de voyage d’un vaillant touriste, M. Bayard Taylor, qui a fait partie de l’expédition. Ces deux écrits méritent de ne point passer inaperçus. Lors même que l’ouverture de relations officielles avec le Japon ne figurerait point au nombre des faits les plus remarquables de l’histoire contemporaine, on ne saurait voir sans intérêt l’amiral yankee face à face avec les diplomates de Yédo ; c’est en effet un curieux tableau. Aussi une place à part est-elle réservée dans les archives des chancelleries au traité de Kanagawa.


I

Le 24 novembre 1852, le commodore Perry, à bord du bateau à vapeur le Mississipi, partit du port de Norfolk. Les autres navires composant son escadre devaient le rallier dans les mers de Chine. Nous n’avons point à raconter les incidens, peu variés d’ailleurs, du