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en Angleterre, dans les Pays-Bas, en Allemagne, en Italie, le progrès de la population était plus rapide que chez nous, et si la durée moyenne de la vie ne s’accroissait pas partout également, elle dépassait sur quelques points, en Belgique par exemple, la mesure française. Quand on étudie ce qu’on appelle la population spécifique, on trouve que la Belgique contenait 147 habitans par cent hectares, l’Angleterre 130, la Hollande 90, l’Allemagne 80, l’Italie 80, la France 68 seulement. Cette différence sensible tenait sans nul doute aux grandes pertes d’hommes que nous avions souffertes pendant les guerres de la révolution et de l’empire, et qui n’avaient pu encore être complètement réparées par trente ans de paix ; mais les autres peuples avaient souffert aussi des pertes du même genre, quoique moins sensibles, et il fallait qu’à cette cause apparente il s’en joignît quelque autre, qui agît même pendant la paix. La continence volontaire prêchée par Malthus avait certainement sa part dans ce résultat, et il n’y avait là rien que de sage et de légitime. La France est le pays où les conseils de Malthus ont été le plus attaqués ; c’est en même temps celui où ils sont le plus instinctivement suivis. Je voudrais attribuer à cette seule cause le petit nombre des naissances, qui restait presque stationnaire, et qui paraît même avoir diminué depuis 1789 ; malheureusement il faut faire aussi la part du second obstacle préventif signalé par Malthus, et qui n’est autre que le vice. La population française, si vive, si ardente, si mobile, se livre facilement aux penchans nuisibles qui ont aussi pour effet de diminuer les mariages et les naissances, qui en outre finissent par attaquer les forces vitales et par abréger la vie. C’est là un danger toujours présent, toujours menaçant, qu’il faut surveiller d’autant plus près qu’il se confond aisément, pour l’observateur superficiel, avec la continence volontaire, dont il est la coupable parodie. Cette influence délétère s’exerçait sans aucun doute et contribuait à ralentir le progrès national.

L’agriculture a sans doute fait de grands progrès en France depuis 1790, puisqu’elle a doublé s’es produits ; mais elle aurait pu en faire davantage. Le moment de sa plus grande prospérité a été la période de trente années qui a précédé 1847, puisqu’elle fournissait à un accroissement annuel de population de 200,000 âmes, et à une amélioration constante du régime alimentaire. On pouvait cependant, même dans cette période, concevoir mieux encore. La production s’augmentait en moyenne d’environ 2 pour 100 par an, et il n’est pas de cultivateur qui ne sache qu’on peut attendre une progression plus rapide sans se jeter dans les chimères des utopistes. Sur beaucoup de points du pays, on atteignait jusqu’à 5 et même 10 pour 100, quand toutes les circonstances étaient favorables. Sans rappeler