Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 8.djvu/470

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

paillasse ! » Céder, c’était renoncer aux petites jouissances qui rendent seules le séjour de la prison supportable ; se laisser dénoncer, c’était compromettre de braves gens. M. Pallavicino trouva un moyen terme : il fit un sermon en trois points, apparemment sur la convoitise, à la suite duquel le vieux voleur tout ému se serait écrié : « Je veux me confesser ! » L’expédient était étrange, il fut couronné d’un plein succès, et M. Pallavicino put se croire appelé à faire des conversions.

Cette illusion dont il se berça, et qui ne paraît pas encore dissipée, put contribuer à lui rendre moins pénible le séjour de Gradisca. Il y trouva du reste d’autres consolations moins chimériques, celle notamment de se voir entouré d’âmes charitables qui compatissaient à son malheur et violaient les règlemens à leurs risques et périls, tantôt pour lui faire passer de l’argent et des livres, tantôt pour ajouter à sa ration quotidienne un utile supplément. On aime à constater ces témoignages de la bonté naturelle à l’homme jusque dans les fonctions les plus propres à l’endurcir. Ils nous consolent de certaines persécutions si répugnantes pour celui qui les subit, si dégradantes pour celui qui les exécute, qu’il est impossible même de les indiquer. M. Pallavicino les indique cependant, et il a tort, car de pareilles hardiesses touchent de près au ridicule. Faut-il donc croire que son portrait, tracé par M. Andryane d’une main peu bienveillante, et contre lequel il proteste avec tant de véhémence, n’est pas une caricature ?

Ce récit s’arrête, plutôt qu’il ne finit, quand il plaît à l’auteur. S’il a voulu, comme il est permis de le penser, pressentir l’accueil que le public ferait à ses mémoires, c’est un devoir de lui dire la vérité. Les descriptions, les scènes du Spielberg sont usées aujourd’hui : il faut donc sacrifier courageusement toute cette partie. Si toutefois M. Pallavicino a dans ses notes beaucoup d’épisodes comme celui de Gradisca, s’il les anime de son ardent patriotisme, qu’il poursuive la publication commencée : pour peu qu’il se modère et s’observe, pour peu qu’il apprenne à discerner ce qui intéresse les autres de ce qui l’intéresse lui-même, il obtiendra la sympathie de ses lecteurs.

M. Félix Orsini, le dernier venu de ces narrateurs infidèles à la manière du maître, a du moins le mérite de ne pas appeler notre attention sur un passé déjà connu et trop éloigné de nous. Son histoire est d’hier : il y a un an à peine que s’est accomplie sa prodigieuse évasion. Autant qu’on peut en juger par une traduction, puisque l’original italien de ces mémoires n’a pas encore vu le jour, le prisonnier de Mantoue n’est ni un penseur ni un écrivain ; hâtons-nous d’ajouter qu’il ne prétend point à la gloire littéraire ; son livre est d’un homme d’action, c’est à ce point de vue qu’il convient de prendre l’œuvre et l’auteur. En un pays heureux et calme, dans une situation régulière, M. Orsini serait peut-être, qu’on me passe le mot, un aventurier peu digne d’attention ; c’est seulement dans la malheureuse Italie qu’il faut faire plus d’état de ces esprits à l’envers que leur patriotisme aux abois pousse aux plus extrêmes démarches. Quand les entreprises raisonnables sont impossibles, est-il donc étonnant que l’irritation se traduise chez les plus exaltés en tentatives hasardeuses qu’on doit condamner pour les résultats qu’elles produisent et le tort qu’elles font à la cause italienne, mais qu’on serait tenté d’excuser, si l’on ne regardait qu’à l’intention ?

Quelques mots sur la vie passée de M. Orsini nous feront connaître par